Depuis le 1er décembre 2019, l’Arabie Saoudite a officiellement pris la présidence du forum international de coopération économique, le G20. Après la présidence nippone, membre de l’OCDE, cette présidence saoudienne peut sembler surprenante au regard de l’image qu’elle a donné d’elle-même ces derniers mois, notamment avec l’affaire Jamal Khashoggi. Pour autant, elle s’inscrit dans les orientations de la « Vision 2030 » du prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS). En effet, « réaliser les opportunités de demain » s’articule parfaitement dans la vision d’un royaume moderne et ouvert.
Des thématiques ambitieuses dans le cadre de ce G20…
Le gouvernement saoudien a préalablement mis en place les thématiques suivantes. D’une part, la transition d’une économie «rentière» à une économie diversifiée. D’autre part, la croissance verte comme outil d’emploi durable. La présidence du G20 les renforce en tant qu’orientations stratégiques cruciales du royaume mais également internationales.
Le royaume saoudien est intrinsèquement lié à ses ressources en hydrocarbures qui ont suscité, développé et étendu sa puissance tant aux niveaux économique que géopolitique. Pour autant, cette manne financière est limitée. Afin de garder son indépendance énergétique dans une zone géo-politiquement contrainte, le royaume mise sur un développement économique à long-terme. Celui-ci a fonctionné pour ses voisins du Golfe (Emirats Arabes Unis et Qatar). Il s’agit de diversifier l’économie saoudienne afin de répondre aux défis de « l’après pétrole ».
À l’international, les investissements se déploient sur tous les continents, à la recherche aussi bien de fonds de rentabilité (achat de clubs de football anglais par exemple) que de relais diplomatiques. À l’intérieur du pays, cette volonté se traduit par la récente décision de développement du tourisme non religieux (« pré-islamique »).
L’environnement, thématique longtemps négligée, apparaît progressivement comme crucial pour la majorité du G20. C’est aussi bien un objectif en soi, particulièrement pour un pays désertique où l’eau est une ressource rare, qu’un levier de croissance, notamment en « emplois verts ». Le développement du marché du travail devient une nécessité dans ce pays. En effet, les jeunes et les femmes, demandeurs de perspectives professionnelles et d’opportunités économiques, constituent une majeure partie de la population.
…qui demeurent inachevées en matière de droits humains
Depuis 2018, le gouvernement s’est engagé pour un « empowerment » étatique des femmes. Pour autant, les droits humains demeurent restreints.
L’éducation des femmes devient un pilier du marché du travail, plus diversifié et ouvert. Ainsi, le caractère obligatoire est renforcé. De même, le gouvernement encadre strictement le mariage précoce. En effet, en décembre 2019, le ministère de la Justice a émis des directives renforçant l’examen des demandes d’approbation des mariages de mineurs. Parallèlement, le gouvernement accentue l’ouverture du marché du travail aux femmes. Les secteurs de la fonction publique et du privé deviennent de plus en plus ouverts aux femmes sous les impulsions gouvernementales.
Malgré les réelles avancées, force est de constater que les droits des femmes demeurent limités. En outre, les défenseurs des droits humains demeurent strictement encadrés. Les vagues d’arrestations peuvent être expliquées par un ressenti d’un régime géopolitiquement « attaqué ». En effet, le « leadership » saoudien du monde musulman doit composer avec les montées en puissance de la Turquie et de son traditionnel rival, l’Iran. D’où, la nécessité de présenter une situation interne « stable » face à des menaces «extérieures » : le nationalisme saoudien est en jeu.
Le défi pour le royaume saoudien est d’assurer à tous un développement économique durable et vert. L’efficience des outils mis en place pourrait être tributaire de la libéralisation du régime mais à quel degré ? Le G20 pourrait fournir un cadre à ce processus de libéralisation.
Image : « Meeting with Crown Prince and Defence Minister of Saudi Arabia Mohammad bin Salman Al Saudiv», Kremlin’s website http://en.kremlin.ru/events/president/news/60856, CC BY-SA 2.0.