Une grande partie des réfugiés souhaitant se rendre en Arabie Saoudite sont originaires de Syrie, du Yémen et de Birmanie. La proximité géographique ainsi que les liens culturels et religieux expliquent le choix de destination.
Une réponse toujours mitigée sur la question des réfugiés étrangers
Dans un rapport intitulé « La lamentable réponse du monde à la crise des réfugiés syriens » de décembre 2014, Amnesty International soulignait la réticence des États du Golfe à accueillir les réfugiés. Pour rappel, cette réticence est légale dans la mesure où aucun de ces États n’a ratifié la Convention internationale de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Seule une double obligation morale pèse sur les pays du Golfe : religieuse et géopolitique du fait de leur implication, par exemple, dans la guerre civile yéménite.
L’Arabie Saoudite, comme d’autres pays du Golfe, a longtemps fait le choix d’un engagement essentiellement humanitaire. En effet, le royaume saoudien est l’un des premiers membres du groupe de donateurs (TMD) pour la Syrie et participe à des forums internationaux de coopération humanitaire tels que le groupe consultatif international de recherche et de sauvetage (INSARAG) ainsi que l’évaluation et la coordination des catastrophes des Nations Unies (UNDAC). Le centre d’aide humanitaire et de secours du roi Salman (KSRC), datant de 2015, a pour objectif principal d’unifier les activités de secours à l’image de la United States Agency for International Development (USAID). Une attention particulière à la crise au Yémen est accordée.
Pour autant, dans un contexte de « saoudisation du marché du travail », depuis 2018, les autorités publiques discriminent les travailleurs migrants ayant un statut irrégulier, qui sont en majorité en exil, conduisant à l’arrestation, la détention et la déportation de milliers de personnes. Le ministère de l’intérieur a lancé une campagne intitulée « une nation sans violations », donnant aux travailleurs migrants 90 jours pour régulariser leur statut ou quitter le pays sans pénalités. Ces travailleurs immigrés (plus 12 millions) subissent des abus et une exploitation qui peuvent être assimilés aux conditions d’un travail forcé. Le système de la kafala, soit le parrainage pour l’attribution du visa, fait dépendre le permis de séjour des travailleurs immigrés sur les employeurs. Ces derniers doivent donner leur consentement pour que les travailleurs puissent changer d’employeur ou quitter le pays. Par ailleurs, les autorités saoudiennes exigent un visa de sortie, ce qui contraint les travailleurs immigrés à obtenir la permission de leur employeur pour pouvoir quitter le pays.
La question particulière des réfugiés saoudiens
Moins médiatique habituellement que la thématique des réfugiés étrangers Arabie Saoudite, la problématique des réfugiés saoudiens se pose également. Le cas de Rahaf Mohammed Al-Qunun le démontre bien. En janvier 2019, cette jeune femme de 18 ans s’est retrouvée bloquée à l’aéroport de Bangkok où elle était arrivée en transit depuis le Koweït. Elle avait l’intention de se rendre en Australie pour y déposer une demande d’asile. La jeune femme a affirmé fuir les violences psychologiques et physiques de sa famille. Elle a appelé à l’aide sur les réseaux sociaux. En janvier 2019, Rahaf Mohammed Al-Qunun a pu quitter la Thaïlande et rejoindre le Canada. Sa situation a notamment été médiatisée pour démontrer que la culture saoudienne est particulièrement répressive concernant la liberté des femmes. Cela expliquerait plusieurs cas d’émigration. Pour autant, la réinstallation – le mécanisme grâce auquel Rahaf Al-Qunun a été acceptée par le Canada – n’est accessible qu’à une fraction des 25,4 millions de réfugiés à travers le monde, généralement les plus exposés comme par exemple les femmes dont la vie est menacée.
La nécessité d’instaurer un véritable cadre juridique de protection
Selon le Haut-commissariat aux réfugiés (HRC), l’adhésion à la Convention sur les réfugiés de 1951 et son protocole de 1967, ainsi que la mise en place d’un cadre juridique national saoudien fourniraient une base solide pour une véritable protection internationale des réfugiés. En effet, cela permettrait au gouvernement saoudien de traiter les questions relatives à l’asile de manière structurée, complétant ainsi les obligations de l’Arabie saoudite en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme, ainsi que les dispositions de sa Constitution. En outre, toujours à l’égard du royaume, sur le plan « d’un soft-power saoudien », les retombées en seraient majeures. D’une part, cela permettrait de reconnaitre formellement la solidarité du royaume à l’égard des réfugiés, renforçant sa position de chef de file du monde sunnite. D’autre part, cela soulignerait l’importance accordée par l’Arabie saoudite à la coopération avec la communauté internationale dans ses efforts pour trouver des solutions aux réfugiés, de manière solidaire avec les Etats d’accueil à l’instar du Liban, de la Jordanie et de la Turquie.
Image : Drapeau de l’Arabie Saoudite, Flag. Licence Pixabay Public domain