Une enquête du Pew Research Center annonce que les pays avec une population orthodoxe sont souvent favorables à la politique étrangère de la Fédération de Russie, et voient la Russie comme un protecteur des orthodoxes. Cette enquête a sondé l’opinion des populations dans les pays d’Europe centrale et orientale, mais ses résultats sont à relativiser.
L’Arménie préfère à 83 % une Russie avec une politique étrangère forte pour contrebalancer l’influence de l’Occident. Cependant la position géopolitique de l’Arménie, coincé entre l’Azerbaïdjan avec qui elle a un conflit militaire, et la Turquie avec qui elle entretient des relations difficiles, pousse ce pays à préférer que la Russie maintienne une politique étrangère forte dans la région du Caucase. La Fédération de Russie est également une terre d’immigration pour de nombreux Arméniens qui vont y travailler.
Les Orthodoxes de Moldavie sont dans une position comparable à l’Arménie, des troupes russes participent au maintien du cessez-le-feu entre la Moldavie et l’Etat autoproclamé de Transnistrie. Il y a également une important communauté moldave en Russie. Le conflit armé de 1992 fût le résultat des peurs de la population russophone d’être marginalisés suite au potentiel soutien des roumanophones de Moldavie au rattachement de celle-ci à la Roumanie.
Pour la Serbie, la Russie est vue comme un des seuls pays de Conseil de Sécurité de l’ONU qui ne reconnait pas l’indépendance du Kosovo, territoire qui a une symbolique majeure pour l’identité serbe en tant que siège au Moyen-Age de l’Eglise Orthodoxe Serbe et du Royaume Serbe.
La Biélorussie est proche de la Russie, notamment du fait de leurs racines religieuses communes. Lors de la conversion de Vladimir le Grand en 988, son royaume couvrait les actuelles Russie, Biélorussie et Ukraine. Cette conversion est symbolique pour les croyants de ces trois pays et elle est encore considéré par certains habitants comme le ciment qui fait des russes, des biélorusses et des ukrainiens des peuples frères. Le chef de l’Eglise Orthodoxe russe est toujours appelé « Patriarche de Moscou et de toutes les Russies », en référence aux anciens noms de ces pays.
La Grèce a également un lien historique avec la Russie, ayant converti ce pays au christianisme. Ce sont également les missionnaires grecs Cyril et Méthode qui créèrent le premier alphabet adapté aux langues slaves. Les conflits en ex-Yougoslavie et les relations difficiles avec la Turquie pousse également la Grèce à avoir une opinion favorable de la Russie.
La Géorgie a une position plus ambiguë, elle est favorable à une Russie qui défend les orthodoxes à l’extérieur de ses frontières, notamment comme puissance dans le Caucase pour contrebalancer l’influence des puissances musulmanes de la région (Turquie et Iran) et des Islamistes du Caucase qui utilisaient la Géorgie comme base arrière, mais elle n’oublie pas que la Russie est intervenue en Abkhazie et en Ossétie du Sud, régions de Géorgie de populations Orthodoxes. Les identité dans la région s’articulent également par les ethnies.
Le sondage expliquant que la majorité des Orthodoxes qui n’ont pas d’Eglises nationales voient le Patriarche Cyrill de Moscou comme la plus haute autorité de l’Orthodoxie par opposition au Patriarche de Constantinople, Bartholomée Ier, est le résultat des événements historiques qui ont affecté l’Orthodoxie. Suite à la prise de Constantinople en 1453 et la conquête des Balkans par l’Empire Ottomans, le Patriarche de Constantinople est considéré comme étant dans l’impossibilité de représenter les orthodoxes depuis un pays « occupé ». C’est donc le Patriarche de Moscou qui revendique le titre de représentant des orthodoxes. Suite à la chute de Constantinople, Moscou est parfois surnommé « la troisième Rome » en référence au titre qu’avait Constantinople après le Schisme et le pillage de la ville par les croisés de 1204 qui dans l’esprit des Orthodoxes condamne la Rome italienne à l’apostasie.
Ce sondage du Pew Research Center apporte une contribution intéressante au débat sur les identité religieuses. Cependant, il risque d’être interprété comme une analyse qui confirmerait le conflit de civilisation, si il n’est pas mis en perspective avec les enjeux géopolitiques et historiques qui affectent chacun des pays sondés.
Image : Orthodox worship, Holy Protection Church, Düsseldorf, By Velopilger – Own work, Public Domain