À quelques jours de la tenue du XVIIème Sommet de la Francophonie en Arménie, il semble que la crise politique reprenne ses droits. Le Premier ministre réformateur Nikol Pachinian souhaite la tenue rapide d’élections anticipées qui pourraient lui être favorables. Après que la révolution de velours l’ait porté au pouvoir, il souhaite utiliser ce sommet pour promouvoir ses réussites.
Le journal « The Armenian Weekly » qui se revendique sans affiliation politique, revient sur les liens qui unissent la langue française à l’Arménie. Surtout, il analyse l’intérêt pour le premier ministre d’accueillir à Erevan le sommet francophone.
L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a été initialement créée pour promouvoir l’usage de la langue française et les liens culturels qui unissent les pays de l’espace francophone. Souvent dénoncé comme une subsistance du colonialisme français, l’OIF propose un soutien technique et financier en direction des pays membres de l’organisation.
Des liens entre l’Arménie et la Francophonie
L’Arménie est l’un des premiers pays non francophone à avoir rejoint l’organisation. La langue française a tout de même environ 200 000 locuteurs dans ce pays de trois millions d’habitants. Charles Aznavour est une figure souvent mise en avant pour illustrer les liens qui existent entre la France et l’Arménie, et la diaspora du petit pays caucasien compterait jusqu’à 600 000 personnes dans l’hexagone. Depuis la signature d’un pacte linguistique de l’Arménie avec l’OIF en 2012, le gouvernement a organisé la formation d’environ 200 fonctionnaires et diplomates à l’utilisation du français dans les organisations internationales. La langue française est par ailleurs enseignée dans 20 établissements scolaires d’une dizaine de villes arméniennes.
Le sommet de la Francophonie, une très belle occasion pour l’Arménie
Pour autant, le journal s’interroge sur la raison pour laquelle l’Arménie organise se sommet, alors que d’autres pays ont des liens linguistiques, culturels et économiques bien plus forts avec la France. Raffi Elliott, auteur de l’article, met tout d’abord en avant l’intérêt diplomatique de l’événement. L’Arménie a du mal à s’imposer sur la scène internationale. Ce sommet va faire venir dans sa capitale les chefs d’états canadien, français, suisse ou encore belge. 58 pays en tout seront représentés à Erevan, un rassemblement normalement hors de portée pour le petit pays, entouré de puissants voisins (Turquie, Iran, Azerbaïdjan, Géorgie et proximité avec la Russie).
Le rassemblement à Erevan va donc donner une chance inespérée pour l’Arménie de se faire entendre sur la scène internationale. Les relations sont apaisées avec l’Iran et la Russie mais ce n’est pas le cas de celles avec la Turquie et l’Azerbaïdjan. Il n’existe pas de relations diplomatiques avec la Turquie, notamment à cause de la question de la reconnaissance du génocide arménien. Par ailleurs la situation ne s’apaise pas depuis 30 ans avec l’Azerbaïdjan au sujet du territoire disputé du Haut-Karabagh. Ces problématiques sont au cœur de l’identité arménienne et le pays a donc tout intérêt à les faire connaître et reconnaître au niveau international.
L’Arménie n’est pas seulement à la recherche de soutiens dans les conflits qui l’oppose à ses voisins. Le Premier Ministre Nikol Pachinian veut acter la réussite de la révolution de velours qui s’est déroulée de mars à mai 2018. La tenue du sommet à Erevan va permettre à des dirigeants de pays étrangers de constater la stabilité du pays et du gouvernement en place, et ainsi de renforcer la légitimité du nouveau Premier Ministre. Cela doit également représenter un tremplin économique pour le pays, en attirant des investisseurs et en faisant rayonner les industries arméniennes.
L’annonce de la démission prochaine de Nikol Pachinian (nécessaire pour la tenue des élections législatives anticipées) est intervenue le 2 octobre 2018, à seulement 10 jours de la tenue de ce sommet décisif. La date n’a sans doute pas été choisie au hasard. Une victoire aux élections législatives couplée au succès de ce sommet permettrait d’asseoir la légitimité du Premier Ministre et de lui assurer une grande stabilité.
Image : Erevan, Arménia – by Rita Willaert. Flickr BY 2.0