L’Azerbaïdjan fut le jeu de rivalités entre la Russie et l’Iran, deux grandes puissances de la région, pendant plusieurs siècles. la suite des traités de Golestan en 1813 et de Turkmanchai en 1828, l’Azerbaïdjan se retrouve divisé en deux. Le nord du pays, qui constitue son territoire actuel, passe sous le contrôle de Moscou, alors que la Perse maintient sa souveraineté sur la partie sud, dont les provinces forment aujourd’hui l’Azerbaïdjan iranien. Ces provinces, situées au nord-ouest de l’Iran comportent plusieurs grandes villes du pays comme Tabriz, Zanjan, ou Urmia.
De nos jours, on retrouve davantage d’Azéris en Iran qu’en Azerbaïdjan. En effet, on évalue la communauté à 16 millions en Iran et 9 millions en Azerbaïdjan, soit 25% de la population iranienne, soit la deuxième ethnie la plus importante d’Iran. De manière générale, la minorité ethnique a été bien intégrée et acceptée, et ce jusqu’à l’avènement de la dynastie Pahlavi au XXe siècle. Ces derniers, souhaitant rassembler le pays autour d’une identité nationaliste et communautariste perse, suppriment l’usage de la langue azérie dans les écoles, la presse et les gouvernements locaux. En 1979, suite à la révolution islamique, le nouveau gouvernement qui souhaite rapprocher les communautés met en avant la religion chiite comme facteur commun.
Du fait de la proportion précédemment évoquée, le rôle des Azéris dans le pays n’est pas négligeable, et on peut y constater leur implication. Conjointement aux Perses, la communauté azérie est très présente et joue un rôle majeur dans les composantes de l’État, de l’armée, de l’économie, de la culture et de la religion. Ainsi, l’actuel chef spirituel, l’ayatollah Seyyed Khamenei, ainsi qu’une grande partie du clergé iranien sont d’origine azérie. La communauté est profondément intégrée à la vie iranienne, d’un point de vue culturel comme politique, créant par la même occasion des liens entre les États que sont l’Iran et l’Azerbaïdjan, leur permettant d’engager ou d’entretenir des accords tant sur le plan culturel, que religieux, politique ou économique.
Cette présence, largement acceptée et de manière générale appréciée, fait pourtant l’objet d’inquiétudes de la part du gouvernement. En effet, les territoires habités par cette communauté, le nord-ouest de l’Iran, ont été source de conflits entre les deux pays. Anciens territoires azerbaïdjanais, ils ont longtemps été revendiqués, et le sont encore par des groupes nationalistes azéris, comme constituants le Grand Azerbaïdjan, dont le territoire s’étendrait de la vallée de l’Araxe, au nord, jusqu’aux monts Zagros, au sud. Comportant des frontières communes avec la République d’Azerbaïdjan, l’Arménie et le Nakhitchevan au nord, il est délimité par les provinces d’Ardabil à l’est, de Zanjan au sud-est et de l’Azerbaïdjan-occidental au sud et à l’est.
Lors de son élection comme président de l’Azerbaïdjan en juin 1992, Abdulfaz Elchibey, fervent nationaliste, a affiché sa volonté de réunir les provinces azéries d’Iran dans le Grand Azerbaïdjan. Il a appelé ces provinces à se rattacher à son pays, en reprochant à l’Iran de violer les droits de nombreux Azéris présents sur le territoire. Par ailleurs, Elchibey se tourna vers la Turquie, premier pays à avoir reconnu la République d’Azerbaïdjan et dont il admire le sécularisme. La Turquie étant elle même tournée vers l’occident, l’Iran va dès lors percevoir cette position comme un affront et le refus d’établir des liens équilibrés entre les deux États. L’appel d’Elchibey n’aboutit pas, les liens historiques et culturels établis entre les Azéris d’Iran et les Perses étant profondément ancrés et de trop bonne facture pour pouvoir espérer à cette époque un soulèvement de la part de ces communautés.
>Malgré cet échec, le gouvernement iranien devient méfiant à l’égard de la communauté azérie peuplant son pays. Constituant 25% de la population iranienne, celle-ci représente un poids et une menace trop importants pour que la République Islamique ne s’en préoccupe pas. D’ailleurs, on observe à la même période la création de groupes autonomistes dans ces provinces, le Southern Azerbaïdjan National Awakening Movement (SANAM) ou Güney Azerbaycan Milli Oyanış Herekatı (GAMOH), qui, comme leur nom l’indique, revendiquent l’appartenance azérie de ce territoire, mais également leur particularisme culturel et le droit à l’éducation dans la langue azérie.
Ainsi, si la communauté minoritaire a pu être potentiellement créatrice de liens entre les États d’Iran et d’Azerbaïdjan, elle est aujourd’hui devenue l’objet d’enjeux territoriaux pour la République Islamique, qui ne peut dans cette situation être favorable à l’établissement de liens chaleureux avec son voisin. Dès lors, les enjeux ethniques et politiques soulevés par la présence de la communauté azérie en Iran ont entraîné des tensions entre les États et perturbé leur entente, créant par la même occasion une énième source de déséquilibre dans la région.
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