Mehman Huseynov, blogueur et militant anticorruption de 29 ans, a été libéré le 2 mars. Le jeune homme était incarcéré depuis mars 2017 pour diffamation. En décembre 2018, alors qu’il est sur le point de terminer sa peine de deux ans de prison, il est accusé d’avoir agressé un gardien. Il débute alors une grève de la faim au moment même où la nouvelle crée la contestation au sein de la population azerbaïdjanaise. La réaction populaire est inédite. Ainsi, le 19 janvier, ils sont environ 7 000 à se rassembler dans un stade de Bakou à l’appel d’une coalition de l’opposition. En parallèle le hashtag #FreeMehman inonde rapidement internet et les réseaux sociaux du président Ilham Aliev.
Une libération sous les pressions internationales
À l’étranger, la colère du peuple azerbaïdjanais est entendue. Le 17 janvier, le Parlement européen vote une résolution qui appelle l’Azerbaïdjan à respecter les droits de l’Homme, avec un intérêt particulier pour le cas de Mehman Huseynov. Dans cette résolution, le Parlement condamne la torture subie par le prisonnier politique et appelle à la libération de tous les prisonniers politiques du pays. Il est, par ailleurs, rappelé au pays son retard dans le domaine de la liberté de la presse : « l’environnement médiatique et la liberté d’expression en Azerbaïdjan n’ont pas enregistré de progrès notables ; que l’Azerbaïdjan se classe 163ème sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse 2018 publié par Reporters sans frontières ; que dix journalistes purgent actuellement une peine de prison en Azerbaïdjan ».
En Azerbaïdjan, la presse muselée par le président Aliev
Les reproches à l’encontre du régime de la nation caucasienne sont fondés. Le président Ilham Aliev est arrivé au pouvoir en 2003. Depuis il consolide son pouvoir en usant de méthodes héritées de la période soviétique. Dans le dernier rapport de Reporters sans frontières, également abordé par le parlement européen, il est expliqué que « non content d’avoir anéanti toute espèce de pluralisme, le président mène depuis 2014 une guerre impitoyable contre les dernières voix critiques ».
Malgré la censure qui concerne les médias traditionnels, Mehman a réussi à s’imposer dans le paysage médiatique d’Azerbaïdjan. Cela est notamment dû à son utilisation efficace des réseaux sociaux, notamment ses vidéos où il tourne en dérision la politique du pays. Son ton satirique est particulièrement employé sur sa page Facebook, suivie par 300 000 abonnés. Par ailleurs, il s’investie dans le journalisme et couvre pour une ONG, l’Institut pour la liberté et la sécurité des reporters (IRFS), les manifestations de l’opposition. Il s’implique aussi en 2016 dans la campagne « Sing for democracy » au moment de l’organisation de l’Eurovision en Azerbaïdjan.
Un cas qui illustre le sort des journalistes en Azerbaïdjan
Sa notoriété grandissante et son ton provocateur lui auront donc valu deux ans d’incarcération. Finalement c’est la menace d’une nouvelle condamnation qui aura fait réagir au niveau local et international, conduisant à sa libération. Cette libération surprise sous la pression internationale met en lumière le sort des journalistes en Azerbaïdjan. Comme précisé dans la résolution du Parlement européen, il y a encore de nombreux prisonniers politiques dans le pays, et ils n’ont pas tous la chance de bénéficier d’un soutien international.
Image : Ilham Aliyev and President of the European Commission Jose Manuel Barroso, 2011. By The Presidential Press and Information Office’s of Azerbaijan. Wikicommons CC BY 4.0.