Au mois de mars, le « King Hamad Global Center for Peaceful Coexistence » de Bahreïn devrait signer un mémorandum d’entente avec le ministère des affaires étrangères américain afin de promouvoir le dialogue inter-religieux. L’événement constitue l’occasion de revenir sur le message de tolérance prôné par un royaume se posant comme modèle dans le monde arabe.
Une présence à l’international
Aujourd’hui, plus de la moitié des 1,5 million d’habitants de Bahreïn sont des expatriés provenant d’une centaine de pays et qui contribuent à enrichir la diversité culturelle du royaume. L’objectif du King Hamad Global Center est de sensibiliser à l’importance du respect de chaque religion dans sa différence face au terrorisme et l’incitation à la haine. Pour lutter contre la discrimination qui mène à de dangereuses tensions sectaires, des programmes de formation se développent à destination des jeunes. En novembre 2018, l’Université La Sapienza à Rome a inauguré la chaire King Hamad for Interfaith Dialogue and Peaceful Coexistence dédiée à l’étude des interactions pacifiques entre religions. De plus, le Centre organise régulièrement des événements et des réunions entre clercs de différentes confessions à travers le monde.
La tolérance religieuse: une valeur ancrée dans l’histoire du royaume bahreïni
Dans une perspective historique, il semblerait que Bahreïn, petit pays insulaire de 765 km2, ait toujours joué un rôle de précurseur de la tolérance. Par exemple, la vice-présidente du Centre rappelle que le royaume a souvent abrité ceux qui fuyaient les persécutions. Ce fut le refuge, entre autres, des chrétiens nestoriens de l’Empire byzantin entre le quatrième et le septième siècle. Selon le président Sheikh Khalid bin Khalifa Al Khalifa, la clé de cette coexistence pacifique réside dans la séparation du religieux et du politique. Soucieux de préserver cet héritage, le roi Hamad a d’ailleurs émis une déclaration le 10 octobre 2017 notant: « L’ignorance est l’ennemi de la paix. Il est donc de notre devoir d’apprendre, partager et vivre ensemble en accord avec les préceptes de la foi, dans un esprit de respect mutuel et d’amour ».
L’importance des considérations géopolitiques
Ainsi, les Etats-Unis et Bahreïn entendent échanger les meilleures pratiques en matière de promotion de la tolérance religieuse et du dialogue inter-confessionnel en faveur d’une coexistence sereine. Toutefois, il convient de souligner que la signature de ce mémorandum s’inscrit dans des considérations géopolitiques plus larges. En effet, la politique bahreïnie est également stratégique, dans la mesure où elle promeut le renforcement des liens entre les arabes et le peuple juif, donc un rapprochement avec Israël, allié important des Etats-Unis dans la région. A contrario, elle sert à isoler davantage le régime iranien. C’est pourquoi l’année 2019 a déjà vu la signature d’un mémorandum d’entente entre le « King Hamad Centre » d’une part et la « Religious Freedom & Business Foundation » et l’ »International Religious Freedom Roundtable » d’autre part. Basées à Washington, ces organisations défendent la liberté de religion dans le secteur privé. De plus, le royaume a été le premier pays arabe à accéder au statut de niveau 1 du Rapport du département d’Etat américain sur le trafic d’êtres humains, décerné aux gouvernements entreprenant le plus d’efforts dans ce sens.
La stratégie menée par les Etats-Unis entend donc ériger Bahreïn en modèle afin de motiver ses voisins à conduire les mêmes initiatives. Cependant, cette politique apparemment ouverte ne doit pas masquer la recrudescence d’atteintes aux droits de l’homme. Ces dernières se sont accrues depuis le soulèvement de 2011, dans le cadre du Printemps arabe. Ainsi, selon Bahrain Interfaith, les positions du gouvernement tiennent davantage de la rhétorique que de l’application pratique. L’organisation dénonce en particulier l’absence d’égalité entre citoyens et l’arrestation de certains clercs et chercheurs.
Image : 12th Annual Manama Dialogue, by Victoria Kinney. Retrieved from U.S. Central Command Photo Gallery