Suite aux sanctions prises à son encontre par la plus haute autorité du clergé bouddhiste du pays, l’organisation bouddhique ultranationaliste Ma Ba Tha a décidé de changer de nom et de former un parti politique. Le groupe extrémiste a profité de cette annonce pour mettre en garde le gouvernement d’Aung San Suu Kyi. Selon le cénacle de bonzes radicaux, la majorité gouvernementale ne protège pas suffisamment le statut privilégié que confère la Constitution de 2008 à la religion la plus pratiquée du Myanmar.
Faute de fondement juridique, la plus haute autorité bouddhiste du Myanmar n’a pas ordonné la dissolution de l’organisation ultranationaliste Ma Ba Tha. Le clergé bouddhiste à toutefois sanctionné l’organisation pour la protection de la race et de la religion (Ma Ba Tha) en en interdisant le nom. Afin de poursuivre ses activités, le groupe extrémiste a annoncé qu’il prendrait désormais le nom de fondation philanthropique Bouddha Dhama.
Ces sanctions à l’encontre de Ma Ba Tha font suite à une recrudescence de mobilisations nationalistes ces derniers mois envers le gouvernement de la Ligue Nationale pour la Démocratie. Le groupe fondamentaliste avait ainsi manifesté à l’encontre du gouverneur de la région de Rangoun après que ce dernier ait publiquement fait part de sa volonté de dissoudre Ma Ba Tha. Plus récemment, le mouvement a orchestré une manifestation de masse dans la capitale Naypyitaw afin d’exiger la démission du ministre des affaires religieuses; accusant celui-ci de ne pas protéger le statut privilégié de la religion bouddhiste reconnu par l’article 361 de la Constitution.
Conformément au système électoral national, les membres d’ordres religieux ne sont pas autorisés à concourir aux élections, et ne disposent pas du droit de vote. Exclus de la compétition électorale, les moines radicaux ont cherché, ces dernières années, à influencer le processus décisionnel en ayant recours à des répertoires d’action moins conventionnels et plus protestataires. Au travers d’actions lobbyistes auprès des décisionnaires, de manifestations virulentes et de pétitions publiques, le groupe avait notamment réussit en 2015 à mettre à l’agenda une série de lois visant à protéger la religion bouddhiste. Votées par l’ancienne majorité parlementaire avec le soutient du Président Thein Sein, ces quatre lois comportent des dispositions qui limitent la conversion religieuse et les mariages interreligieux. Aussi, en cas de mariage de femme bouddhiste à un homme d’une autre confession, ces lois permettent aux autorités locales d’afficher la demande de mariage pour vérifier que personne ne s’y oppose. Le couple ne pourra se marier que s’il n’y a pas d’objections.
Le nouveau gouvernement semble toutefois beaucoup moins perméable aux revendications de Ma Ba Tha que son prédécesseur. C’est pourquoi, outre son changement d’appellation, l’organisation fondamentaliste a également annoncé la formation d’un parti politique en vue de concourir aux prochaines élections en 2020. Cette redéfinition du répertoire d’action politique de Ma Ba Tha pourrait permettre à ses membres d’intégrer les organes décisionnels et d’y porter leurs revendications.
Les sanctions émises à l’encontre de la mouvance bouddhiste ultranationaliste ne sont pas de nature à mettre fin à ses activités. A l’inverse, cette censure semble même accréditer et légitimer le discours de Ma Ba Tha selon lequel le mouvement serait la cible du gouvernement actuel.
Image : By racoles – Monks Protesting in Burma CC BY 2.0