A l’occasion de la journée internationale des femmes, les Observateurs juniors publient un état des lieux du respect des droits des femmes dans le monde, étudié notamment au prisme des faits religieux.
103,5 millions, c’est le nombre de femmes au Brésil, selon des données de l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques (IBGE) recueillies en 2014. Avec ce nombre, les femmes sont majoritaires dans le pays, représentant une part de 51,4 % de la population totale. L’espérance de vie leur est aussi favorable, puisque les femmes vivent jusqu’à 78,8 ans alors que pour les hommes elle est de 71,6 ans.
Mais en termes statistiques, les avantages pour les femmes s’arrêtent là. Effectivement, de criantes inégalités sont encore présentes comme dans la majorité des pays du monde. Le marché du travail notamment, est toujours l’un des principaux terrains d’inégalités. En 2016, 44,6 % des femmes étaient considérées comme actives, contre 65,8 % pour les hommes. Ce travail reste concentré sur certains secteurs, comme l’administration publique, le travail domestique ou les services. Bien que les inégalités dans le monde du travail s’amenuisent, il reste encore beaucoup à faire.
Les postes à responsabilité sont encore largement l’apanage des hommes, comme le montre l’exemple des institutions politiques. Au sein de la chambre fédérale, l’équivalent de l’Assemblée nationale en France, on retrouve 51 femmes pour 513 députés. Au Sénat, elles sont 16 pour un total de 81 sénateurs. L’élection à la présidence de la république de Dilma Roussef en 2011 constitue bien une exception.
Des violences qui n’en finissent pas
Le gros chantier sur lequel le Brésil doit s’améliorer reste les violences. Le pays occupe la cinquième place du – peu honorable – classement des violences envers les femmes en 2013. En cette même année, 4 762 femmes ont été assassinées. Soit une toutes les deux heures. Principales victimes de ces meurtres, les femmes noires, dont le taux d’assassinat a augmenté de 54 % entre 2003 et 2013, lorsque celui des femmes blanches baissait de 9,4 %.
Selon le ministère de la santé, 70 % des victimes sont des enfants ou des adolescentes, et 70 % des violences sont commises par un parent, un conjoint ou une connaissance. Les chiffres sont donc alarmants, d’autant plus qu’ils ne cessent de croître. De 2014 à 2015, les violences sexuelles ont augmenté de 129 %.
Ces violences, de plus en plus importantes, ont lieu malgré les évolutions sur le plan législatif. En 2012, l’ONU a élu la loi Maria da Penha troisième meilleure loi du monde pour les combats contre les violences conjugales. Votée en 2006 au Brésil, cette loi est éponyme de Maria da Penha, une biopharmacienne qui en mai 1983, se fit tirer dessus par son mari alors qu’elle dormait, ce qui la laissa paraplégique à vie.
Après plus de 20 ans de combat judiciaire, qui est allé jusqu’à la Cour interaméricaine des droits de l’Homme où le Brésil s’est vu condamné pour son inaction, Maria da Penha a obtenu justice, et le gouvernement brésilien de l’époque se servit de son nom pour faire passer une loi majeure. Cette loi comprend l’instauration de tribunaux spéciaux et de peines plus strictes, mais aussi d’aides à la prévention et l’implantation de refuges pour les femmes dans les villes de plus de 60 000 habitants. L’objectif de cette loi était de réduire drastiquement les violences faites aux femmes. Néanmoins, comme on l’a vu en amont, la situation semble loin de s’améliorer.
L’ignorance des politiques, frein au changement social
Le gouvernement de Michel Temer paraît désintéressé par le sujet. Même si, sous la pression des mouvements féministes, le successeur de Dilma Roussef a posé un veto à un vote du Congrès transférant une compétence de la justice à des instances policières en matière de protection des femmes victimes de violence. Cette mesure était un risque grave pour la répression des violences selon les mouvements féministes, les policiers étant moins sujets à incriminer les auteurs de violence.
Ceci étant, au sein du Congrès, l’avenir pour la défense des droits des femmes est inquiétant. La « bancada evangelista », du nom du groupe de parlementaires lié aux Eglises évangéliques, de plus en plus puissant, est fermement opposé à l’avancé des droits des femmes. Par exemple, un de leurs membres, Tadeu Mudalen, était en 2017 rapporteur d’une commission spéciale de la Chambre des députés destinée à étendre le congé maternel. Le texte final a été considéré par les mouvements féministes comme visant à prohiber l’avortement et cela même en cas de viol.
Dans le plus grand pays catholique du monde, les Eglises évangéliques gagnent du terrain. Les plus conservatrices portent une conception traditionnelle du rôle de la femme et presque toutes sont opposées à l’avortement. L’Eglise catholique a donc bien du mal à exister et se faire entendre au Brésil. Lors de la conférence des évêques brésiliens qui s’est tenue début février, la cardinal Sérgio da Rocha a pourtant rappelé l’attachement de l’Eglise au droits fondamentaux des femmes et s’est positionné contre les violences. Reste à savoir si son appel sera entendu.
La situation du droit des femmes au Brésil est donc préoccupante, et la crise politique dans laquelle est plongé le pays depuis 2013 est loin d’arranger les choses.
Image : Marcha das Mulheres Manaus, By Mídia NINJA, Flickr, CC-BY-SA 2.0