Partout dans le monde, le thème de la désinformation, des fausses informations et de la manipulation a été capital en 2018. Cette méfiance généralisée nuit, voire paralyse tout débat démocratique.
Le pays vient de sortir d’une campagne électorale violente, où le débat d’idées était quasiment impossible. Les esprits se sont échauffés, et chaque camp accuse l’autre de désinformation, d’informations biaisées voire de fausses informations. Un exemple frappant, pendant la campagne, a été la photo truquée de narco-trafiquants menaçant de mort les électeurs du candidat Bolsonaro.
Des deux côtés du spectre politique, le débat démocratique pâtit également d’extrapolations précipitées. Les exemples seraient nombreux, mais le cas récent est remarquable.
Défense des indígenas et précipitation
Depuis de nombreuses années et, plus encore, depuis l’arrivée de Michel Temer au pouvoir, les droits des peuples indiens sont bafoués. De plus, dans le sillage des élections, les indígenas ont fait face à une recrudescence d’agressions et d’attaques.
Le lendemain de l’élection de Jair Bolsonaro, une école et un centre de santé de la communauté Pakararu (Pernambuco) ont été incendiés. En rapportant l’information, le média participatif Mídia Ninja a immédiatement établi en lien avec l’élection. Pour l’auteur de l’article, l’élection a « donné carte blanche » aux électeurs pour agir avec violence. L’événement est donc, pour les anti-Bolsonaro, la preuve que les pro-Bolsonaro sont violents et s’en prennent directement à leurs adversaires politiques.
Les faits sont, certes, avérés. Cependant aucune enquête n’a encore pu avoir lieu pour en déterminer les motifs ou les auteurs. C’est donc sur ce point que de nombreux pro-Bolsonaro s’en prennent à leurs adversaires « communistes ».
Méfiance et extrapolation : les conditions pour un débat démocratique ne sont pas réunies
Un extrait des échanges entre lecteurs est ici très parlant :
« C’est triste ! Et ce n’est que le début. Les jours qui s’annoncent seront durs. »
« Ce qui est triste, c’est de publier une information et d’attribuer la faute à un tiers sans la moindre enquête. Le pire c’est qu’il y a des gens comme toi […] qui ont voté pour la plus grande organisation criminelle que le pays ait connu. D’un coté, une hypothèse (qui a mis le feu), de l’autre un fait (qui est le voleur). »
« Les gens s’habituent à accuser sans preuves. Ils « pensent » quelque chose, alors c’est vrai. [Quand une fausse plainte pour crime est démontrée (en lien avec un fait réel de la campagne, nda)], personne à la télé ne dit que c’était un mensonge. »
« Il faut une enquête et des sanctions contre les responsables. Toute spéculation est irresponsable. »
« Mais ils ne veulent pas savoir [qui est coupable ni les motifs], ils sont en guerre contre Bolsonaro et sont mauvais perdants. Bel exemple, ces communistes. »
« C’est triste d’être tellement mauvais perdant qu’on en vient à vandaliser puis à rejeter la faute sur les autres. »
« Je suis enseignante dans cette école et rien ne dit qu’il s’agit d’un crime politique, il y a plein d’autres motifs possibles et la politique n’est pas le premier. Connaissez-vous un tout petit peu la réalité ? Informez-vous avant de mentir. »
« Prouvez-moi que vous y enseignez, c’est trop facile de mentir sur internet. Moi aussi je pourrais dire la même chose. »
Dans ces échanges, au-delà des partis pris, ce qui frappe est l’absence d’argumentation sur le fond. Les conditions de base du débat démocratique sont en effet minées. Les adversaires politiques considèrent leurs opposants comme infréquentables, irresponsables, manipulés et manipulateurs des deux côtés.
Image : Ministro prestigia seminário sobre impactos das fake news, by Ministério da Cultura. Flickr CC BY 2.0