Dans la nuit du 14 mars 2018, Marielle Franco a été mise à mort par quatre balles dans la tête à Rio de Janeiro. Membre du parti socialiste PSOL, Marielle Franco était une personnalité en vue dans le paysage brésilien. Femme, noire, elle dénonçait sans relâche les exactions de la police et défendait la cause des noirs, des populations pauvres dans les zones rurales et les favelas, des femmes et des homosexuels.
Militante sur tous les fronts pour défendre les droits de l’Homme
« Marielle », surnom affectueux pour ses nombreux partisans, avait 38 ans, et était depuis 2016 conseillère municipale à Rio de Janeiro. Véritable étoile montante de la politique brésilienne, on lui prédisait sous peu un avenir de maire de la « Ville merveilleuse » ou de députée fédérale à Brasília.
Un député du PSOL explique, sans donner de noms, qu’elle « dérangeait les petites et les grandes mafias ». Par exemple, en 15 mois à la mairie de Rio, elle avait proposé 16 projets de lois, dont deux approuvés : une loi pour réglementer l’activité des moto-taxis, moyen de transport très présent dans les favelas, une autre pour superviser les contrats entre la mairie de Rio et les fournisseurs de services sociaux (fréquemment sous les projecteurs pour des accusations de corruption).
Le soir de sa mort, elle revenait d’une réunion sur les « jeunes femmes noires qui font bouger les choses ». Sa voiture aurait été suivie pendant plusieurs kilomètres, avant que neuf coups ne soient tirés à bout portant. Marielle Franco est morte de quatre balles dans la tête. Son chauffeur Anderson Pedro Gomes a également été tué et son assistante a été blessée mais a survécu.
Mise à mort d’une voix gênante
Marielle Franco cumulait les facteurs de risque : féministe, noire, militante et originaire des favelas. Pour autant, on ne connaissait aucune menace précise à son encontre, explique un de ces collègues du PSOL.
De longue date, elle dénonçait les exactions policières dans les favelas. Depuis peu, elle était membre de la commission de suivi de l’intervention militaire contre les trafiquants armés de certaines favelas de Rio de Janeiro. Quelques jours avant sa mise à mort, elle avait exprimé, sur twitter, sa colère envers la police et les militaires. Elle dénonçait leurs agissements, l’assassinat de plusieurs jeunes hommes et les menaces proférées à l’encontre de la population de la favela d’Acari (qui les surnomme « escadrons de la mort »).
Quelques jours après ce crime, les premiers résultats d’enquête ont jeté une ombre supplémentaire sur les services de police. Les douilles des balles proviennent d’un stock appartenant à la police depuis 12 ans. Le même type de douilles se trouvait sur le lieu de l’assassinat de 17 autres personnalités politiques de l’État de São Paulo, en 2015.
Une violence endémique au Brésil
Cet assassinat met en exergue la violence endémique au Brésil. En effet, depuis 2015, les assassinats de personnalités politiques et de militants se dénombrent par dizaines. Les indígenas et les noirs sont particulièrement touchés. Le Diário de Notícias (journal portugais) dénombre ainsi huit assassinats de militants en 2018 (Marielle Franco étant la huitième), 40 assassinats de personnalités politiques depuis 2017, 28 assassinats de candidats pendant les élections de 2016 (et ce, malgré un important dispositif policier déployé à chaque meeting) et 24 disparitions de militants depuis 2014.
D’après le chercheur Francisco Amorim, spécialiste de la thématique « violence et citoyenneté » à l’université de Rio Grande do Sul, les auteurs de ces crimes appartiennent parfois au monde de l’illégalité ou des trafics, mais certains ne se cachent pas. Pour lui, ces meurtres démontrent l’intimidation fréquente des militants, menacés et réduits au silence. Les personnalités visées sont souvent des défenseurs des droits de l’Homme ou de l’environnement.
Le représentant permanent du Secrétaire général des Nations Unies au Brésil a fait part du « choc » que représente cet assassinat. Il le replace aussi dans le contexte brésilien très préoccupant. De fait, les statistiques du Forum brésilien de sécurité publique parlent d’elles-mêmes. Au Brésil, un jeune afrobrésilien est tué toutes les 21 minutes et 71 % des victimes d’homicides sont noires.
Colère et sentiment d’impunité de la population
Face à cette assassinat, les brésiliens ont organisé des rassemblements en mémoire de Marielle Franco. Ils dénoncent aussi l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes à travers le pays. Les débuts de l’enquête n’ont d’ailleurs pas rassuré la population. La mairie de Rio, quant à elle, a décrété trois jours de deuils. Les autorités fédérales ont déclaré vouloir faire la lumière sur cette mise à mort.
Image : Marielle Franco • Vereadores Que Queremos • Rio de Janeiro, Mídia NINJA, Flickr CC BY SA 2.0.