L’État du Roraima se situe au nord-ouest du Brésil, à la frontière avec le Vénézuéla. Depuis la crise dans ce pays, de nombreux Vénézuéliens, notamment indiens, s’y sont réfugiés, en particulier depuis 2017. Pour les accueillir, le HCR (ACNUR en portugais, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés) seconde les autorités brésiliennes.
Contre le Covid-19, la prise en charge des déplacés
Malgré le déni de son Président face à la crise du Covid-19, les gouverneurs des différents États adoptent des mesures de protection des populations. À Boa Vista, capitale du Roraima, les autorités construisent notamment un hôpital temporaire avec l’aide du HCR. Vénézuéliens et Brésiliens y participent. L’hôpital sera accessible tant aux populations locales qu’aux Vénézuéliens (réfugiés ou immigrés). Il comptera 1200 lits pour des patients malades du Covid-19, plus 1000 autres pour les cas positifs ou suspects.
De nombreux Vénézuéliens sont encore logés dans des habitations de fortune dans les rues de Roraima. Le HCR met donc à disposition des logements supplémentaires et multiplie les points d’accès à l’hygiène. L’agence distribue aussi des kits d’hygiène, couvertures et matelas. L’objectif : enrayer la propagation du virus parmi les populations déplacées et parmi la population locale. Au 30 mars, le Roraima ne comptait que 10 cas parmi sa population, aucun parmi les réfugiés et immigrants.
Les autorités locales et le HCR, ainsi que l’armée, collaborent également au plus près pour informer la population. Il a fallu traduire certaines informations en espagnol et dans des langues des ethnies indiennes vénézuéliennes réfugiées (par exemple, les Warao et les Eñepa). De plus, le gouvernement fédéral a décidé que les déplacés vivant sur son territoire auraient accès aux mêmes aides financières que les citoyens brésiliens. Le HCR a salué cette décision, peu reprise par les voisins du géant.
Un contraste étonnant avec le débat national
Sur le traitement de ses réfugiés et immigrés, le Brésil fait donc figure de bon élève, notamment dans le Roraima. Ce qui peut surprendre, étant donné les débats actuels sur la gestion du Covid-19. Le Président, Jair Bolsonaro, continue à nier la gravité du risque. Il a même fait remplacer son ministre de la santé, Luís Henrique Mandeta, qui le contredisait trop à son goût.
Dans la plupart des favelas des grandes villes, notamment, c’est le système D. Les gouverneurs ont ordonné la fermeture des commerces, mais peu de mesures ont été mises en place sur le terrain. Sans parler de masques ou de gel hydro-alcoolique, il manque souvent un accès à l’eau. Et les populations sont entassées dans des habitations exiguës et des rues étroites, ce qui empêche toute distanciation. De nombreux habitants ont l’impression que le virus n’arrivera pas chez eux. D’autres craignent que l’armée ferme les points d’entrée et de sortie des favelas.
Pire encore, le chef de l’État a provoqué un scandale, dimanche 19 avril. Il a en effet participé à une manifestation organisée par des Brésiliens opposés au confinement et réclamant…l’intervention de l’armée. La manifestation avait d’ailleurs lieu devant le siège des armées, à Brasilia. Devant ses partisans massés, le président a déclaré « la Constitution, c’est moi » et que le pays devait comprendre qu’ « ici, c’est le peuple qui décide ». Sa prise de parole a été perçue par la plupart des observateurs comme une incitation à un coup d’État. À quelques exceptions près, la plupart des gouverneurs du pays ont signé une lettre ouverte contre le Président. Le ministère des armées à quant à lui démenti tout projet de ce type, rappelé que l’armée a pour mission de protéger le pays et incité Jair Bolsonaro à modérer son discours.
Une attention particulière pour les indígenas réfugiés
Les indígenas font l’objet d’une attention particulière de la part du HCR. Leur protection repose sur les mêmes principes que pour les populations réfugiées et locales, mais doit être renforcée. Par exemple, l’accès à tous les services d’assistance (alimentation, logement, soins) sera gratuit. En effet, beaucoup de peuples d’Amazonie n’ont jamais été en contact avec des maladies courantes chez les citadins. Cela les rend d’autant plus vulnérables au Covid-19 et à ses symptômes respiratoires.
Dans le nord du Brésil (États de Roraima, Amazonas et Pará), il y aurait quatre mille réfugiés indígenas venus du Vénézuéla voisin. En majorité, il sont issus des peuples Warao et Eñepa. Avec la participation des chefs de communauté, l’association Fraternidade et le HCR ont donc rédigé des feuillets explicatifs. Ceux-ci sont en quatre langues : portugais, espagnol, warao et panare. L’objectif est de faciliter les interactions avec les associations, ONG et autorités qui gèrent la crise. Cela est d’autant plus important pour certains indígenas vénézuéliens ou brésiliens semi-nomades, qu’il est encore plus difficile d’informer et de suivre du point de vue médical.
Un contexte politique hostile aux peuples indígenas locaux
Cette attention ne doit cependant pas faire oublier que la situation des indígenas est de plus en plus critique, au Brésil. Depuis l’arrivée de Jair Bolsonaro à la tête du pays, les conflits autour des terres se multiplient. La Commission pastorale des terres en a dénombré plus de cinq par jour, soit +23 % en un an. Les assassinats sont également en hausse brutale : 32 morts (+14 %), 30 tentatives d’assassinat (+7 %) et 201 menaces de mort (+22 %). Un tiers des foyers concernés par des conflits terriens est indígena. Dans 67 % des cas, les terres illégalement occupées le sont sur des territoires indígenas.
Par ailleurs, trois personnes indígenas, de peuples différents, sont déjà décédées du Covid-19, dont un jeune de 15 ans. Ce dernier, décédé le 9 avril, était un Yanomami du Roraima. Dans sa communauté, 24 personnes pourraient avoir été contaminées. En dehors de la collaboration avec le HCR dans le nord, aucune mesure spécifique n’a été prise à l’échelle fédérale pour protéger ces populations. De façon générale, elles n’ont plus vraiment droit au chapitre sur les sujets qui les concernent. Le 19 avril 2020, un Conseil de l’Amazonie a été constitué sous l’égide du vice-président, Hamilton Mourão. Le Conseil est composé de 19 militaires et 4 représentants de la police fédérale. Ni l’IBAMA (Agence fédérale de protection de l’environnement), ni la FUNAI (Fondation de l’indien), ni les représentants indígenas ne sont représentés.
Image : Réfugiés vénézuéliens à Boa Vista, Brésil (août 2018), Marcelo Camargo/Agência Brasil, en libre accès (CC-BY-3.0)