L’annonce du décès du président sortant Pierre Nkurunziza le 8 juin dernier a pris de cours la société burundaise. Cet événement funeste intervient 19 jours après l’élection de Evariste Ndayishimiye, candidat du parti au pouvoir et dirigé par P.Nkurunziza depuis 2005. Celui-ci pourrait en redistribuant les cartes du pouvoir venir modifier l’approche de la gestion de crise du Covid-19 au Burundi.
Un décès qui met en lumière la proéminence du virus au Burundi
Dans un contexte de crise sanitaire mondiale, les communiqués institutionnels nationaux lient ce décès à une crise cardiaque. Pourtant, l’hospitalisation de trois de ses gardes du corps ainsi que de son épouse à Nairobi quelques jours auparavant interrogent. Comptabilisé le 17 juin au nombre de 170 cas dont un décès, le virus pourrait s’avérer être bien plus proéminent au Burundi. Longtemps présenté par le président sortant comme hermétique à la contamination car épargné par la « grâce divine », le pays a connu une hausse significative du nombre de cas recensés depuis la passation de pouvoir pourtant le bilan au 16 juillet à 322 cas et un décès.
En effet, le président sortant Pierre Nkurunziza, se revendiquant chrétien évangéliste, déclarait avoir été élu par la « volonté divine ». L’évangélisme était donc l’un des prismes analytiques sur lequel reposait sa gouvernance. Les rassemblements politiques de la campagne électorale auraient ainsi pu jouer un rôle de catalyseur dans la propagation du virus.
Les difficultés sanitaires traversées par le pays sont aussi accrues par la prolifération des cas de rougeole dans les camps de réfugiés, par l’opacité des bilans épidémiques et par l’unicité médiatique.
Un événement qui polarise conservatisme religieux et progressisme sanitaire
« Toute personne qui refusera de se faire tester sera considérée comme un sorcier et sera sévèrement punie », annonçait Evariste Ndayishimiye le 30 juin dernier.
Si la sémantique utilisée par le nouveau président renvoie ceux qui refuseraient de se soumettre aux tests à la sorcellerie et à la coercition, rappelant ainsi l’image de son antécesseur, elle relève aussi d’un changement de paradigme dans la gestion de la crise du Covid-19. Sans se défaire de la dimension religieuse, Evariste Ndayishimiye s’appuie sur celle-ci pour sensibiliser la population à l’importance des mesures sanitaires à mettre en œuvre pour évaluer la prévalence du virus et amoindrir sa profusion. Sans tendre vers une laïcisation des décisions politiques, le ton inquisiteur prétend responsabiliser les Burundais.
Une nouvelle manière de gérer la crise
Human Rights Watch a déclaré le 15 juillet 2020 que « Le Burundi a plus que besoin d’une réponse au Covid-19 qui s’appuie sur la science et sur des faits, et ces mesures doivent aussi respecter les droits humains fondamentaux ».
En rupture avec son prédécesseur par sa factualisation de l’épidémie, le président E.Ndayishimiye est encouragé par les ONG internationales à l’instar de Human Right Watch à poursuivre ses efforts dans la gestion de la crise et à rompre avec l’intimidation et la négation des droits humains.
Si dans le prolongement de son antécesseur, E.Ndayishimiye continue de marteler l’importance de la souveraineté et de l’indépendance du Burundi sur la scène internationale, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a fait don au Burundi d’outils sanitaires d’une valeur de 530 000 dollars pour endiguer la diffusion du virus. En ce sens, le 6 juillet 2020, le président s’appuie sur son ministre de la santé pour lancer une campagne de dépistage de masse initiée à Bujumbura. Il annonce aussi la gratuité des tests et la réduction du prix du savon et de l’eau de moitié dans les grandes agglomérations.
En s’alignant sur la typologie des puissances extérieures, Ndayishimiye semble envoyer l’image d’un président plus flexible et accessible que son prédécesseur.
Ce changement d’attitude pourrait-il définir une nouvelle ligne politique du parti au pouvoir (CNDD-FDD) en s’affranchissant du conservatisme religieux et de l’obscurantisme jusqu’alors en pratique? Bien qu’il soit encore tôt pour tirer des conclusions, le remaniement idéologique dans la gestion de la crise sanitaire permettrait de renouer des liens avec la communauté internationale.
Image : AMISOM Public Information, Mahamud Hassan, Flickr, 12/06/2020