Le rapport sur la commission d’enquête des Nations Unis sur le Burundi a été publié ce lundi 4 septembre. Cette enquête sur la situation des droits de l’Homme dans le pays confirme les tableaux plus qu’alarmants qui avaient déjà été publiés par des ONG. Bien que l’identité des témoins et les détails restent confidentiels, le rapport recense les horreurs que les Burundais subissent. L’ambiance de « peur profonde et généralisée », y compris parmi les réfugiés, est également claire. Les recueillements de ces derniers ont été cruciaux pour les enquêteurs, qui n’ont pu se rendre au Burundi.
L’article qui date du 4 septembre est écrit par Jean-Philippe Rémy, correspondant pour le journal Le Monde. Le journaliste est basé à Johannesburg depuis 2009.
L’Etat et le non-respect des droits de l’Homme
En avril 2015, l’actuel Président du Burundi, Pierre Nkurunziza, décide de se présenter pour un troisième mandat. Cela va à l’encontre de la Constitution, qui n’autorise que deux mandats consécutifs. Surtout, cela brave le processus de paix de 2005 qui avait mis fin à la guerre civile. En effet, ces institutions avaient été mises en place afin d’assurer un partage du pouvoir entre Tutsi et Hutu et apaiser les tensions ethniques.
Des manifestations sont organisées pour protester contre le Président, auxquels un grand nombre de Tutsis participent. Ces derniers payent dès cet instant le prix fort pour leurs protestations.
Par ailleurs, dès avril, des Hutus en désaccord avec la décision du Président sont visés par la répression qui s’ensuit. Mais en mai 2015, une tentative de coup d’Etat de membres du propre parti du Président généralise les violences politiques.
L’auteur de l’article cite le rapport de l’ONU: « Si la commission d’enquête relève des cas « d’arrestations, de tortures et de violences sexuelles, des insultes à caractère ethnique » à l’encontre de Tutsi, « elle n’est pas en mesure d’établir l’existence d’une volonté politique de détruire en tout ou en partie ce groupe ethnique » ».
La commission dénonce le rôle du gouvernement dans ces violations
La situation est critique : plus de 417 000 Burundais ont fui le pays depuis avril 2015. Les témoignages recueillis parmi ces réfugiés permettent d’avoir une idée claire de ce qui se passe dans le pays. Le rapport parle en effet d’« arrestations, tortures, viols, sévices, assassinats extra-judiciaires, civils exécutés par les forces de l’ordre, creusement de fosses communes pour dissimuler l’existence de suspects exécutés ou morts sous la torture dans les cachots de la police ou des services de renseignement. »
La responsabilité du gouvernement dans le climat de terreur régnant est dénoncée. La diffusion des discours de haine par les autorités et les dirigeants, l’impunité générale, le contrôle du parti sur les autorités judiciaires : tout cela crée et nourrit le climat de violence.
Le rapport dénonce des « crimes contre l’humanité » et a ainsi établi la liste, restée confidentielle, des responsables des exactions.
Le rôle de la Cour Pénale Internationale
En avril 2016, le procureur de la CPI avait ouvert une enquête préliminaire afin de déterminer si les crimes commis au Burundi relevaient de sa compétence. En réponse, l’Assemblée Nationale a voté le retrait du pays de la CPI. Ce vote prendra effet le 27 octobre 2017.
« Face à l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes, la Commission demande à la Cour Pénale Internationale d' »ouvrir, dans les plus brefs délais, une enquête sur les crimes commis au Burundi » ». La marge de manœuvre est donc très faible. Le but de ce rapport est d’attirer l’attention sur la situation au Burundi, et faire pression sur la CPI afin qu’elle ouvre une enquête avant le 27 octobre.
Image: Burundi peacekeepers prepare for next rotation to Somalia, By Rick Scavetta, U.S. Army Africa, Flickr, CC by 2.0