La Commission d’enquête sur le Burundi, établie par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU suite à la résolution 33/24 doit rendre son rapport sur la situation dans le pays le mois prochain. Dans ses observations préliminaires, le Président de la Commission constate que les discours incitant à la haine sont nombreux, mais non condamnés. Ces discours peuvent être généraux, incitant à la haine envers les Tutsis, ou spécifiques, ciblant par exemple la femme d’un opposant.
IRIN (« Réseaux d’information régionaux intégrés ») est un journal spécialisé dans les reportages sur les situations de crise humanitaire. En couvrant les endroits qui risquent d’avoir besoin, ou requiert d’assistance, le journal cherche à influencer le secteur humanitaire et les autorités compétentes.
La haine : un problème historique
L’Etat du Burundi est un pays frontalier du Rwanda. Le Burundi partage également avec ce dernier le système de division ethnique qui y avait été mis en place avant 1994, héritage de la colonisation belge. L’incitation à la haine y était courante dans les années précédant le génocide contre les Tutsis.
Le Burundi fait l’objet de fortes inquiétudes parmi les experts de la région de l’Afrique de l’est. En effet, les spécialistes multiplient les alertes sur le risque de génocide qui est en cours. De fait, le pays est plongé dans le chaos depuis la fin du second mandat du Président Nkurunziza en 2015, qui cherche à tout prix à se maintenir au pouvoir.
Une étape vers la déshumanisation
Le politologue Jean-Marie Ntahimpera considère que la déshumanisation est l’une des dix étapes qui peut mener à un génocide. En outre, la déshumanisation d’une partie de la population se fait par l’utilisation de terme négatif contre l’ethnie dite « ennemie ». Ainsi, les dirigeants suprémacistes nazis ou Hutus en faisant une utilisation fréquente dans leurs discours politiques.
De plus, grâce à leur diffusion à la radio, des millions de personnes ont entendu ces discours. Par exemple, Radio Mille-Collines au Rwanda eut un rôle très important dans la déshumanisation des Tutsis les mois précédant avril 1994. Ils étaient régulièrement appelés « inyenzi », qui signifie cafards en kinyarwanda.
C’est ainsi que Léon Mugesera, homme politique Rwandais, assura en 1992 un discours dans lequel il incita les Hutus à renvoyer de force les Tutsis dans leur soit-disant pays d’origine, l’Ethiopie: « Moi, je te fais savoir que chez toi, c’est en Éthiopie, que nous vous ferons passer par la Nyabarongo [une rivière qui traverse Kigali, source du Nil qui se jette en Ethiopie] pour que vous parveniez vite là-bas ». Lors du génocide, un très grand nombre de Tutsis ont été jeté dans cette même rivière.
Pour son rôle dans le génocide et ce discours, Léon Mugesera a été condamné à la prison à vie.
Les réseaux sociaux, espace privilégié de ces discours
En 2017, ces discours incitant à la haine sont légions sur les réseaux sociaux. Ces termes incitent à penser que le pays se portera mieux sans une ethnie ou un groupe d’individus. L’auteur relève quelques commentaires que l’on peut trouver contre Hutus ou Tutsis. Un des posts les plus frappants est celui-ci : « Nous sommes déterminé à combattre les mujeri jusqu’à ce qu’ils abandonnent leurs manières bestiales ». Le mot Kirundi mujeri est un terme dérogatoire utilisé pour les chiens errants et sales. Ici, ce terme désigne les opposants au régime. Le post continue: « Mujeri sont des petits chiens qui mordent. Pour les éradiquer, ils doivent être traqués jusque dans les planques. »
La classification des ethnies amène à une polarisation de la société au Burundi. La déshumanisation est une autre raison de s’inquiéter. En effet, certaines étapes qui préludent à un génocide sont bien en place dans le pays. De fait, le régime devrait sanctionner ceux qui incitent à la haine mais il n’y a eu jusqu’à présent aucune condamnation pour ces discours. Il apparait même que certains membres du gouvernement soutiennent ceux qui profèrent des menaces de mort contre des opposants.
Image : 1998 Pulitzer Prize, Spot News Photography, Martha Rial, Pittsburgh Post-Gazette, Flickr, CC by 2.0