Un rapport d’Amnesty International épingle les forces de sécurité camerounaises pour leur implication dans des actes de torture de membres présumés de Boko Haram, mouvance djihadiste affiliée à Daesh qui mène depuis 2014 des incursions meurtrières dans la région de l’Extrême-nord du Cameroun.
Amnesty international est une organisation non gouvernementale internationale qui défend les droits humains et fait pression sur les décideurs à travers la mobilisation des militants, la sensibilisation du public et le plaidoyer. En 2015 et 2016, elle a rendu public des rapports incriminant les autorités et services de sécurité camerounais pour leur violation des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre la secte islamiste Boko Haram.
Les Kanuris parmi les plus touchés
En s’appuyant sur plus de 101 cas de personnes détenues dans des centres de détention non officiels et torturées par les forces de sécurité camerounaises, le nouveau rapport dénonce l’impunité des autorités devant une pratique qui est aujourd’hui rependue et banalisée. « Les personnes soumises à la torture étaient accusées, sans preuve ou sur la foi d’éléments peu concluants, d’avoir apporté leur soutien à Boko Haram » souligne le rapport. Amnesty International dénonce par ailleurs les dérives identitaires observées en rappelant que « L’ethnie Kanuri payait le plus lourd tribut à ces pratiques ».
Les témoignages émouvants des victimes ont permis de décrire 24 méthodes de torture utilisées par les agents de Bataillon d’Intervention Rapide (une unité d’élite de l’armée camerounaise) et les services de renseignement camerounais dans plus de 20 site de détention. Ces actes de torture se seraient déroulés dans les bases qui abritaient aussi le personnel des armées françaises et américaines qui offre un soutien technique au Cameroun dans le cadre de la lutte contre Boko Haram.
La nécessaire protection des droits de l’Homme dans la lutte contre l’extrémisme violent
La publication de ce rapport a provoqué sur la place publique de vives réactions, partagées entre un gouvernement camerounais qui rejette en bloc les accusations d’Amnesty International tout en dénonçant une « campagne de dénigrement visant à jeter le discrédit sur les forces armées camerounaises », une opinion publique conservatrice qui prétend qu’il est tout à fait acceptable de mettre entre parenthèse les droits humains au nom de la lutte antiterroriste, et des acteurs progressistes qui martèlent que la violation des droits humains dans la cadre de la lutte contre le terrorisme va à l’encontre des engagements internationaux du Cameroun en matière de protection des droits de l’Homme et peut se révéler contre-productive sur le moyen et le long terme. Le porte-parole du Commandement des États Unis pour l’Afrique (US Africom) nie quand la lui toute connaissance de ces pratiques par les forces américaines déployées au Cameroun et annonce l’ouverture d’une enquête.
De nombreux spécialistes du contreterrorisme ont régulièrement démontré que la violation des droits humains était un moteur de la radicalisation violente des individus et des groupes. Dans leur stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme adopté en septembre 2016, les Nations Unies ont fait du respect et de la protection des droits humains l’un des 4 piliers du contreterrorisme. Les succès de la lutte contre l’extrémisme violent dépendent largement de la capacité des États à isoler les éléments insurgés du reste de la population, à encourager les désertions volontaires dans les rangs des mouvements extrémistes et à conquérir les cœurs et les esprit d’une population régulièrement courtisée par les leaders extrémistes dans leur propagande. La promotion, la protection et la réalisation des droits humains offre une arme redoutable pour gagner cette guerre dont le principal enjeu est la réaffirmation de primauté de l’ordre démocratique sur l’ordre théocratique.
Image : By Air Force Master Sgt. Larry W. Carpenter Jr., Public Domain,