Dans un rapport datant du 17 septembre 2018, l’ONG International Crisis Group salue l’initiative de quatre représentants religieux d’organiser une conférence générale anglophone à Buea, dans le Sud-Ouest du Cameroun. Les représentants sont issus de l’Eglise presbytérienne, de la mosquée centrale de Bamenda, de la mosquée centrale de Buea et de l’Église catholique. C’est cette dernière que Crisis Group avait proposé comme médiatrice dans le conflit entre séparatistes et forces de l’ordre camerounaises qui sévit dans les régions Nord-Ouest et Sud-Ouest, à l’occasion d’un rapport publié en avril dernier.
Les racines coloniales de la discorde
Les violences qui ensanglantent la zone anglophone du Cameroun ont déjà causé la mort d’au moins 400 civils en un an, plus de 150 militaires et des centaines de combattants séparatistes, rappelle l’International Crisis Group dans sa déclaration. Cette crise oppose au gouvernement camerounais des séparatistes désireux de créer un nouvel État, « l’Ambazonie » tandis qu’à la troisième pointe du triangle, c’est la minorité anglophone qui s’estime marginalisée au sein du pays. Elle réclame un retour au fédéralisme qui organisait deux États au sein d’une même République, en cours au Cameroun entre 1961 et 1972.
Cette division est le fruit du partage du Cameroun, ancienne colonie allemande, en deux mandats, français et britannique, à la suite de la première Guerre mondiale. À l’époque des indépendances, la population anciennement sous tutelle britannique s’accorde sur le rattachement d’une partie de son territoire au Cameroun, sous la forme d’une république fédérale. L’autre partie décide du rattachement au Nigeria voisin. En 1972, le fédéralisme du Cameroun prend fin et initie alors un certain ressentiment au sein de la communauté anglophone du pays.
Importance vitale d’une posture ouverte du gouvernement camerounais
Crisis Group insiste ainsi sur la nécessité pour le gouvernement camerounais de s’impliquer dans l’initiative, le plaçant ainsi comme un acteur clé de la conférence à venir. Susceptible de lui donner toute sa légitimité et de permettre le retour de la paix au Cameroun, le gouvernement se devra d’accepter la présence de représentants des séparatistes à la table des négociations. Surtout, le Président Paul Biya devra se plier à la libération des détenus anglophones et l’assurance d’un retour en toute sécurité.
Toutefois, ces dispositions préalables sont loin d’être acceptées par le gouvernement, dont la solution à la crise est pensée comme militaire avant tout. Ces réserves font par ailleurs écho à celles des séparatistes. Ces derniers sont, eux-mêmes, peu enclins au dialogue face à l’assurance que leur procure chaque nouvelle victoire sur les forces de l’ordre camerounaises.
Crisis Group compte néanmoins sur un soutien international de la conférence. Celle-ci doit se tenir les 21 et 22 novembre 2018, selon les propos du cardinal émérite Christian Tumi, un des organisateurs de l’événement. Dans sa déclaration, Crisis Group présente une liste de propositions quant à l’attitude que pourrait adopter chacun des acteurs de la crise : le Cardinal Tumi et son entourage ; les représentants anglophones non séparatistes et la société civile et enfin les partenaires internationaux du Cameroun.
Image : Taken on 07 November 2013 in Cameroon around Limbe Buea, by JBdodane. CC BY-NC 2.0