Produit d’une histoire coloniale singulière, le Cameroun rassemble deux grandes communautés linguistiques qui fondent le bilinguisme d’un pays régulièrement présenté comme l’Afrique en miniature. Les anglophones ont fait le choix de se joindre au Cameroun francophone – au lieu du Nigéria comme le souhaitait la Grande Bretagne – à condition de préserver leurs traditions héritées de la puissance coloniale et disposer d’une certaine marge de manœuvre dans la conduite des affaires publiques.
Cependant depuis la naissance de l’Etat Fédéral du Cameroun le 1er Octobre 1961, la mauvaise gouvernance associée aux manœuvres politiques des deux régimes qui sont succédés à la tête de l’Etat ont nourri le ressentiment de la communauté anglophone qui représente aujourd’hui 20% de la population camerounaise. Sous fond de non-respect des accords passés, de tribalisme, cooptation des élites, de répression des mouvements pro-démocratie, de « francophonisation » du système éducatif et judicaire anglophone, une conscience communautaire s’est forgée, ouvrant parfois sur l’éclosion d’un mouvement séparatiste qui veut affranchir la partie anglophone de ce qu’il appelle la tutelle francophone.
A la suite d’une grève engagée par les avocats anglophones en octobre 2016, un mouvement de défiance populaire, porté par un consortium d’organisations de la société civile pro-fédéralisme, a gagné les principales villes anglophones. Cela fait 06 mois aujourd’hui que le bras de fer se poursuit entre le gouvernement et la société civile anglophone.
Malgré de faibles concessions, qui éludent à dessein les revendications politiques, le régime de Yaoundé ne parvient pas à désamorcer la crise sociopolitique. Et dans un contexte pré-électoral tendu où la question de la succession de Paul Biya alimente toutes les conversations, cette crise pourrait connaitre un développement inquiétant.
Cet article apporte un éclairage sur les fondements historiques, politiques et sociaux de cette crise qui soulève la problématique du multiculturalisme dans les jeunes Etats artificiellement créés par le fait colonial.
Juin
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