Début juillet 2017, des autochtones de la Côte-Nord (les Innus d’Ekuanitshit, en Minganie, Québec) ont mis le gouvernement fédéral en demeure dans le dossier très controversé des extractions d’hydrocarbures sur l’île d’Anticosti. Ils reprochent à Ottawa de ne pas les avoir consultés, comme la Constitution l’oblige, avant d’autoriser Hydrocarbures Anticosti (partenariat de 3 sociétés pétrolières et d’un fonds d’investissement du gouvernement québécois) à prélever de l’eau dans trois rivières en vue de forages exploratoires à fracturation hydraulique.
Par ailleurs, l’aval du gouvernement fédéral canadien intervient au moment même où le gouvernement provincial du Québec tente avec difficulté de trouver un accord avec Pétrolia (compagnie pétrolière québécoise implanté en Gaspésie et à Anticosti) pour mettre fin à tout projet de recherche et d’exploitation. Québec a en effet fait volte-face il y a quelques années, après avoir engagé plus de 115 millions $ dans des projets visant à confirmer le potentiel de production. Les résultats obtenus n’avaient pas convaincu le gouvernement provincial de la viabilité commerciale des ressources en hydrocarbures de l’île d’Anticosti.
L’habitat traditionnel autochtone et des ressources naturelles en péril
Au cœur de l’inquiétude des Innus : une menace potentielle pour l’environnement et leur conditions de vie. Les rivières à saumon, sources importantes d’eau potable et de nourriture (le saumon atlantique d’Anticosti est en voie de disparition) pour ces populations autochtones, pourraient être empoisonnées par l’extraction du pétrole de schiste.
De la lutte pour les droits autochtones…
Ces tentions entre autochtones et autorités gouvernementales ne datent pas d’hier. Elles trouvent leurs origines dans les premiers temps de la colonisation (XVIe-XVIIe siècles) et ont régulièrement refait surface. Au début des années 1980, cette même région de la Côte-Nord avait été marquée par des arrestations musclées et plusieurs crimes commis envers les autochtones. Un conflit resté dans les mémoires, la « Guerre du Saumon ». D’autres territoires sont également concernés comme la Colombie Britannique. Malgré la reconnaissance, par la Charte canadienne des droits et libertés (1982), des « droits et libertés ancestraux, issus de traités ou autres » des peuples autochtones du Canada, et par conséquent des droits de pêche, les autochtones doivent régulièrement se faire entendre pour les faire respecter.
… au partenariat pour la protection de l’environnement
Le combats pour les droits autochtones passe plus que jamais par la protection de l’environnement et des habitats traditionnels. Les communautés innues de Pessamit et d’Ekuanitshit ont d’ailleurs conclu des accords avec des groupes de conservation comme Parcs Canada (agence gouvernementale qui assure la gestion et la mise en valeur des parcs et lieux historiques nationaux) et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Ce type de partenariat vise notamment à « inciter la jeunesse innue à collaborer avec les chercheurs afin de leur partager leurs connaissances de leur terre et d’acquérir des compétences en matière de recherche ».
Cet énième rebondissement dans le dossier pétrolier de l’île d’Anticosti illustre la difficulté pour les populations autochtones à se faire respecter, malgré des droits acquis de haute lutte. Mais, de manière plus générale, il témoigne également d’un discours fédéral en pleine contradiction avec les engagements pris par le Premier Ministre Justin Trudeau lors de la Cop21 à Paris. Des engagements d’autant plus forts qu’ils devaient marquer symboliquement, selon J. Trudeau, le « retour du Canada » sur la scène internationale après une décennie de retrait défendu par le gouvernement de Stephen Harper. La gestion actuelle de ces deux thématiques – la « reconnaissance » de la dignité des peuples autochtones et la protection de l’environnement – par le gouvernement fédéral canadien doit donc inciter à une attitude attentive et critique, et cela à contre-courant de l’image largement consensuelle et positive diffusée par Ottawa .
Image : Cascades au Parc national de la Mauricie (Québec). By Laurent Tessier