Quels ont été les impacts de la covid-19 sur la vie religieuse au Canada ?
Au Canada, comme partout dans le monde, la pandémie de Covid-19 a eu des conséquences sociales et économiques considérables, dont les effets se font toujours sentir. Une étude, publiée sur un site gouvernemental, s’interroge sur l’impact que la pandémie a eu sur les pratiques religieuses, individuelles comme collectives.
Le Canada : un pays caractérisé par un fort pluralisme religieux
Le site Statistique Canada, qui est « l’organisme national de statistique », a publié un article rédigé en juillet 2022 par Simon-Pierre Lacasse et Louis Cornelissen dans lequel ces derniers analysent « les répercussions de la pandémie de Covid-19 sur la religiosité des Canadiens ». À l’aide de données recueillies lors d’enquêtes, ces auteurs entendent évaluer dans quelle mesure la pandémie a changé la vie religieuse de la population canadienne.
Leur étude porte sur l’ensemble des groupes religieux et elle souligne la forte diversité culturelle du pays. Celle-ci est notamment liée à la politique migratoire du Canada, l‘un des pays au monde qui accueille le plus de migrants. Ces derniers sont mlajoritairement originaires d’Asie (Inde, Philippines, Chine, Syrie). Selon le dernier recensement de 2021, un peu plus de la moitié de la population (53,3 %) se définit comme chrétienne tandis que 4,9 % se déclarent musulmans, 2,3 % hindous, 2,1 % sikhs, 1 % bouddhistes, 0,9 % juifs, et 0,2 % répondent partager « une spiritualité autochtone traditionnelle ». À l’inverse, 34,6 % de la population affirment avoir « une perspective séculière », soit être athée, agnostique, humaniste, ou n’avoir aucune religion.
Méthodologie : une étude qui s’appuie sur des sondages officiels
L’étude de Statistique Canada s’appuie sur les données recueillies par l’Enquête sociale générale (ESG) pour la période 2015-2020. Chaque année, l’ESG mène des sondages par téléphone et par internet auprès d’un échantillon représentatif de la population canadienne, composé de personnes âgées de 15 ans et plus. Ces sondages, réalisés pour le gouvernement, portent sur un thème en particulier (l’emploi du temps, la famille, le bénévolat, par exemple) et ont pour objectif de connaître « les tendances » de la société canadienne. Pour leur article, Simon-Pierre Lacasse et Louis Cornelissen ont utilisé les données de l’enquête sur « l’identité sociale » menée d’août 2020 à début février 2021 (donc pendant la pandémie), et ils les ont comparées aux informations recueillies lors des sondages précédents (de 2015 à 2019).
Le but de l’enquête sur « l’identité sociale » était de « brosser un portrait d’ensemble du niveau d’identification des Canadiens, de leur sentiment d’attachement et d’appartenance et de leur fierté relativement à leur environnement social et culturel ». Plusieurs questions en lien avec la religion ont été posées, à propos des amis fréquentés, de l’engagement auprès de groupes, du sentiment d’appartenance et des discriminations. Les sondés ont également été interrogés sur leur religion, leur participation à des activités et services religieux, et sur l’importance de leurs convictions religieuses ou spirituelles. Ces dernières questions, comme celles portant sur les caractéristiques socio-démographiques, sont communes à toutes les enquêtes et permettent ainsi de saisir s’il y a eu des changements dans le temps, notamment à la suite de l’apparition de la Covid-19.
Le Canada face à la Covid-19
D’après les chiffres du gouvernement et de l’OMS, du début de la pandémie en janvier 2020 à la fin du mois de février 2023, le Canada a connu près de 4,6 millions de cas de Covid-19, principalement dans l’Ontario et au Québec, tandis que le nombre de décès s’élève à 51 249, majoritairement dans ces deux provinces, ainsi qu’en Alberta et en Colombie-Britannique. Les premiers cas sont apparus à la fin du mois de janvier 2020. La transmission fut par la suite communautaire. Le 13 mars 2020, le gouvernement de Justin Trudeau déconseilla les voyages non essentiels à l’étranger, puis, quelques jours plus tard, ferma partiellement les frontières aériennes, ainsi que la frontière terrestre avec les États-Unis. Les voyageurs étrangers (vaccinés) ont été de nouveau autorisés à entrer en septembre 2021.
Durant ces mois, les 10 provinces et les 3 territoires qui forment le Canada ont chacun pris des mesures pour lutter contre la Covid-19 et, par exemple, le gouvernement de Doug Ford en Ontario décida la plus longue fermeture des écoles du pays.
Vivre sa foi au Canada durant la pandémie
Quelles conséquences la Covid-19 a-t-elle eues sur la vie religieuse des Canadiens et des Canadiennes ? D’après l’étude publiée par Statistique Canada, la pandémie a eu « certains effets », mais n’a pas entraîné de bouleversement.
Des pratiques religieuses collectives qui ont changé
D’une part, les auteurs de l’étude soulignent que la population a moins participé à des activités religieuses en groupe (services religieux, réunions) : en 1985, ils étaient 43 % à se joindre à ces activités au moins une fois par mois, contre 23 % en 2019 et 19 % en 2020. La fermeture des lieux de rassemblement et de culte, les mesures de distanciation physique (2 mètres) ainsi que la peur de la contagion expliquent cette diminution. Les auteurs notent toutefois que cette baisse a été moins forte chez les personnes qui ont déclaré avoir une « excellente » santé.
Par ailleurs cette diminution ne s’applique pas de la même manière aux différentes religions. Selon les sondages, en effet, 74 % des bouddhistes déclaraient participer à une activité religieuse collective au moins une fois par an en 2019, contre 50 % en 2020. Et pour les musulmans, les chiffres passent de 71 % à 57 %. Pour les autres religions, la participation est également en baisse, mais la différence entre 2019 et 2020 est inférieure à 10 points.
Les données sur le bénévolat et l’engagement associatif que fournit l’enquête menée de 2020 à 2021 témoignent également de l’impact de la pandémie sur les pratiques religieuses collectives. Dans cette enquête, à la question « Au cours des 12 derniers mois, participiez-vous aux activités ou étiez-vous membre des groupes, organismes ou associations suivants ? », 12 % des personnes sondées ont choisi la réponse « un groupe d’appartenance religieuse ». Et 35 % de ces mêmes personnes ont répondu avoir diminué leur implication dans ce groupe au cours des 5 dernières années. Comme pour la participation à des services religieux, la Covid-19 et les confinements sont des facteurs importants pour expliquer cette baisse.
Des pratiques religieuses individuelles peu transformées
Toutefois, la pandémie ne semble pas avoir modifié les pratiques religieuses individuelles, telles que la prière ou la méditation, et c’est la raison pour laquelle l’étude de Statistique Canada conclut que la pandémie n’a pas profondément changé la religiosité de la population. En 2020-2021, environ 18 % des personnes interrogées disaient prier ou méditer quotidiennement, et environ 11 % de façon hebdomadaire. 19 % répondaient avoir ce type de pratiques individuelles au moins une fois par an.
Ces chiffres sont à peu près similaires à ceux d’avant la pandémie et, par exemple, en 2018, 20 % des sondés affirmaient pratiquer individuellement leur religion tous les jours, soit 2 points de moins qu’en 2020-21. Cette légère baisse s’inscrit dans une tendance qui s’observe depuis plusieurs années, et que la Covid-19 n’a pas accélérée ou infléchie. La pandémie ne semble donc ne pas avoir eu d’impact majeur sur la religion privée, et il aurait été intéressant de pouvoir croiser appartenance confessionnelle et pratique religieuse individuelle, afin de savoir si les chiffres de la pratique privée sont comparables pour l’ensemble des croyants, ou s’il existe des différences selon les religions.
Enfin, on remarque une augmentation sensible de l’athéisme dans la société canadienne. La croyance diminue fortement et si 80 % des Canadiens et Canadiennes disaient avoir une religion en 2015, ce pourcentage est passé à 78 % en 2017, 75 % en 2018, 68 % en 2019 et 66 % en 2020.
Conclusion
En analysant les impacts distincts de la pandémie sur les pratiques religieuses collectives et individuelles, l’étude de Statistique Canada permet ainsi de faire un panorama de la vie religieuse et de souligner deux faits majeurs dans le pays. D’une part, la population se caractérise par une pluralité religieuse qui se renforce ; d’autre part, le nombre de personnes qui déclarent avoir une religion est en baisse.
St Josephs church in St Georges, CC, Erik Mclean