Le 8 et 9 mai dernier, l’organisation Canadian Interfaith Conversation regroupant 43 « faith communities » et « faith-based organizations« , en partenariat avec la Canadian Race Relations Foundation et le Cardus’ Faith in Canada 150 project, organisait un colloque sur la religion et la citoyenneté au Canada. L’occasion de riches débats dans le cadre d’une année exceptionnelle.
2017, une grande année de commémoration pour le Canada
Centenaire de la Bataille de Vimy, 375e anniversaire de la fondation de Montréal et enfin 150e anniversaire de la Confédération canadienne… Les nombreuses manifestations populaires et festives organisées depuis le début de l’année célèbrent avant tout le Canada multiculturaliste d’aujourd’hui. Mais c’est aussi l’occasion pour les Canadiens de se replonger dans l’histoire particulière et complexe de leur pays.
Entre précarité et paradoxes, le Canada perdure
Que de chemin parcouru par cette « création précaire » qui, déjà en 1937 laissait dire à l’historien et géographe français André Siegfried, qu’elle pourrait se maintenir indéfiniment ! Situé historiquement et culturellement au carrefour des influences française, anglaise et états-uniennes, le Canada reste encore aujourd’hui habité de nombreux paradoxes. La dualité fondatrice entre le Canada anglais et le Canada français continue de peser, même si elle s’est « adoucie » et s’est ouverte – par une immigration encouragée et choisie – à de nouveaux apports culturels.
Un poste d’observation des grands défis contemporains
Le Canada, médiateur entre l’Europe et l’Amérique, est aujourd’hui un poste d’observation privilégié pour analyser et comprendre les grands défis contemporains. Parmi eux : la globalisation et le multiculturalisme. C’est tout l’enjeu de ce colloque sur la diversité religieuse et la citoyenneté qui s’est tenu à l’Université Saint-Paul d’Ottawa.
De 2011 à 2015, le Canada a accueilli en moyenne annuelle 250 000 immigrants (source : Statistique Canada). Même si ces derniers, de tout âge et de tous horizons, sont préalablement soigneusement sélectionnés, le nombre annuel de nouveaux arrivants représente une somme de défis considérable. La population canadienne (estimée à près de 36 millions d’habitants) n’a jamais été aussi diverse qu’aujourd’hui et la tendance se renforce. En cette année symbolique, il s’agit donc de « définir une nouvelle façon de penser, de discuter et d’agir ensemble afin que la diversité religieuse au Canada puisse devenir une ressource pour le progrès collectif ».
Diversité religieuse et citoyenneté canadienne au cœur des débats
Les questions qui se posent sont sensiblement les mêmes que celles qui nourrissent le débat public sur la laïcité et la citoyenneté en France : « faut-il aller au-delà d’une simple tolérance des différences pour respecter la diversité au sein de la société canadienne ? Peut-on définir une laïcité inclusive (« inclusive secularism« ) qui permettrait aux différents points de vue et pratiques, religieux et non-religieux, d’être acceptés sans préjugés d’aucune sorte ? Comment favoriser l’émergence d’une vie collective aboutie qui profiterait à tous les Canadiens ? » Autrement dit, comment repenser une citoyenneté qui engage et encourage davantage à une participation du plus grand nombre au service du Bien commun ?
Les débats entre personnalités, croyantes ou non croyantes, issues de divers horizons culturels (y compris les Premières Nations), se sont articulés autour du rôle de la religion dans la société, « au bénéfice de tous les Canadiens ».
Un paradigme séculier exclusif remis en question
Les intervenants – parmi lesquels tout un panel de leaders de la société civile, d’universitaires, de fonctionnaires, d’étudiants, de chefs religieux, de juristes et de citoyens engagés – ont pointé du doigt le sécularisme qui a prévalu pendant de nombreuses années comme moyen unique et exclusif de promouvoir l’unité et la cohésion sociale. Bien que par le passé cela a pu garantir une plus grande égalité entre les différents groupes religieux dans la sphère publique, cette situation contribue aujourd’hui, selon eux, à la marginalisation de citoyens parmi les plus actifs et les plus engagés (protection de l’environnement, assistance aux plus modestes, accueil des migrants et soutien à leur intégration, revendications de justice sociale auprès des représentants politiques, …).
Appel à une réévaluation positive et vigilante du religieux pour renforcer la citoyenneté
Pour renforcer la citoyenneté, c’est-à-dire encourager l’engagement au service du Bien commun, les différents participants au colloque ont appelé à ne pas négliger la source de motivations personnelles et le capital social que représentent les diverses spiritualités et confessions religieuses. Et cela, tout en restant cependant attentif aux tendances de repli communautaire et aux fondamentalismes qui menacent l’équilibre social en attisant les haines, en dévaluant la participation citoyenne et en portant atteinte à la dignité de l’Homme, en commençant par les droits des femmes.
Image : Citizens of Canada, By ItzaFineDay