Depuis bientôt deux mois, les manifestations féministes se multiplient au Chili. Initié au mois d’avril par des étudiantes à l’Université australe du Chili, à Valdivia, le mouvement s’est répandu à travers le pays. Mercredi 6 juin, des dizaines de milliers de femmes ont défilé dans plusieurs villes, accompagnées de plusieurs centaines d’hommes. Leurs revendications principales sont la lutte contre le machisme, les féminicides (le meurtre d’
Cet article de France 24 fait état des manifestations au Chili, ainsi que des revendications de leurs participants et des réactions du gouvernement chilien actuel.
Secouer les mentalités et le gouvernement sur la condition des femmes au Chili
Le mouvement est qualifié de « sans précédent » ou encore de « troisième vague » du féminisme. Pour la première fois, les manifestantes se revendiquent féministes, et dénoncent les injustices quotidiennes dont elles font l’objet. Les manifestations ont démarré en réaction à l’inertie des autorités universitaires face aux plaintes à l’encontre d’un professeur de l’Université australe du Chili, accusé de harcèlement sexuel sur une employée. Les étudiantes du mouvement dénoncent le sexisme dont font ouvertement preuve certains professeurs.
Le mouvement s’est ensuite élargi à d’autres pans de la population. Reprenant les slogans du mouvement #NiUnaMenos (pas une de moins), les manifestations dénoncent les violences faites aux femmes parce qu’elles sont des femmes. Si le féminicide est reconnue par la loi au Chili, les violences et le harcèlement à l’encontre des femmes sont monnaie courante. Des manifestantes réclament d’ailleurs la démission de l’actuel ministre de l’Education, Gerardo Varela, qui a déclaré qu’il s’agissait de « petites humiliations et discriminations ». Face à ces violences quotidiennes, les manifestantes réclament un véritable système d’éducation non sexiste.
Un pays conservateur marqué par le patriarcat et quelques changements
Les manifestations qui se déroulent au Chili s’inscrivent dans la continuité d’un progrès lent et tardif en matière de droits des femmes. Ce n’est qu’en 2004 que le divorce est reconnu, et, en 2017, l’avortement est autorisé en cas de menace pour la vie de la mère, de non viabilité du fœtus ou de viol. Le mouvement vise donc à protester contre la lenteur des progrès en matière de droits des femmes, et à impulser une nouvelle vague de mesures dans ce domaine. Mais l’Eglise catholique continue d’exercer un poids important sur la politique et la société, et le gouvernement conservateur chilien actuel est peu enclin à entendre les revendications féministes.
Face aux manifestations étudiantes, qui ont déjà fait leurs preuves au Chili depuis 2011, le Président de la République Sebastián Piñera a annoncé la création d’un « Agenda Femmes » en 12 points. Une des mesures principales, mais symbolique, serait l’inscription dans la Constitution de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais les élus des syndicats étudiants, qui n’ont pas été reçus par les autorités, critiquent des mesures unilatérales et l’absence d’engagement dans le domaine de l’éducation. En effet, si le changement ne vient pas d’en-haut, alors il partira de la population.
Image : Mujer feminista, By Karen García R, Flickr BY-SA 2.0