A l’occasion de la journée internationale des femmes, les Observateurs juniors publient un état des lieux du respect des droits des femmes dans le monde, étudié notamment au prisme des faits religieux.
Au cours des dernières décennies, les droits des femmes ont connu des progrès en Chine, même s’ils restent un sujet controversé dans le pays. Traditionnellement, la société chinoise, influencée par le confucianisme, réservait une position inférieure à la femme ; elle devait toujours obéissance à son père, mari et fils. L’instauration du régime communiste en 1949 a produit une rupture sociétale, étant suivie d’un appel idéologique à l’égalité de genre. La loi sur le mariage de 1950 a fortement changé la société, en abolissant les mariages forcés, le concubinage, les fiançailles d’enfants et la dot et en établissant le droit au divorce pour les femmes. Par ailleurs, depuis l’introduction de l’économie de marché en 1978, la position économique des femmes en Chine a également connu des progrès. Les femmes sont actuellement majoritaires parmi les étudiants universitaires et aussi parmi l’ensemble des travailleurs du pays, avec une participation de 61 % des travailleurs, équivalente à celle enregistrée en Suède et au Canada. La Chine compte 49 femmes qui sont devenues des milliardaires, ce qui représente deux tiers du total global.
Une évolution lente des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes
Toutefois, l’attachement officiel de l’Etat chinois à l’égalité de genre ne se voit pas reflété dans la réalité. D’après un rapport du Forum Économique Mondial, en termes d’égalité de genre la Chine figure à la 100e position parmi 144 pays. Les statistiques officielles indiquent qu’une femme sur quatre est victime de violence domestique en Chine. Les femmes sont quasiment absentes parmi les principaux leaders politiques. Nonobstant leur forte présence dans le marché de travail, selon une étude de l’association All-China Women’s Federation, 87 % des femmes diplômées ont déclaré avoir subi des discriminations pendant la recherche d’emploi. Les femmes rencontrent toujours des discriminations sur le plan juridique. Elles jouissent par exemple des mêmes droits de propriété, mais à l’occasion d’un divorce le partage des biens les défavorise : suite à une décision de la Cour Suprême, depuis 2011 les propriétés reviennent au propriétaire originel – habituellement le mari – au lieu d’être divisées entre le couple. De plus, le droit à l’avortement et les préférences traditionnelles pour les garçons ont fréquemment causé des avortements sélectifs et une large disparité de genre dans le pays.
Ces militants qui bousculent l’Etat
La réponse de l’Etat face à ceux et celles qui dénoncent cette situation reste mue. Tout acte d’activisme de la société civile au nom des droits des femmes est ignoré, voire réprimé. En mars 2015, neuf activistes ont été détenues en vue de leur participation dans l’organisation de manifestations pacifiques contre les abus et les violences domestiques faites aux femmes. Ce gouvernement qui ne tolère pas ces critiques est le même qui, à certaines reprises, promeut des avancés sur ce thème. En mars 2016, l’Etat a enfin approuvé une loi sur les violences domestiques, fait célébré par des activistes des droits de femmes, qui estiment au même temps que sa mise en oeuvre reste imparfaite. Le positionnement de l’Etat face aux droits des femmes reste ainsi controversé.
Confessions religieuses : des situations contrastées
En ce qui concerne la religion, le modèle confucianiste traditionnel visait une société hiérarchique et ordonnée. La participation des femmes était restreinte au foyer et son importance était liée à sa capacité de produire des héritiers du genre masculin. Par contre, certains chercheurs ont argumenté que le daoïsme et surtout le bouddhisme offrent une alternative plus favorable à la position des femmes dans la société. Les monastères bouddhistes et daoïstes sont ouverts aux femmes et une des principales entités spirituelles bouddhistes, Avalokitesvara, le « boddhisatva » de la compassion, est devenu la « déesse » Guangyin en Chine, particulièrement valorisée par des femmes bouddhistes. Dans la société moderne, ces modèles traditionnels deviennent moins imposants en vue de la forte participation des femmes dans l’économie du pays. Face aux importants changements économiques et sociaux de la Chine, le Parti communiste fait actuellement appel à un retour aux sources confucianistes de la culture chinoise, avec un intérêt d’assurer l’ordre et la hiérarchie. Cet appel pourrait être en contradiction avec son attachement déclaré à l’égalité de genre.
Pour la minorité musulmane, une forte disparité caractérise la situation des femmes dans les différentes régions du pays. D’une part, la Chine est le seul pays au monde où les femmes peuvent exercer le métier d’imam. C’est notamment le cas de la minorité hui, présente dans plusieurs provinces chinoises. Les femmes jouissent des droits relativement étendus au sein de cette communauté. D’autre part, les femmes appartenant à la minorité ouïghoure et à d’autres minorités au Xinjiang, à l’Ouest du pays, sont souvent soumises à de nombreuses restrictions à leur croyance et liberté religieuse. Au Tibet, les femmes subissent également des fortes restrictions de leurs libertés politiques, religieuses et culturelles, notamment de la liberté à la reproduction.
On pourrait argumenter que ces disparités en termes de droits et libertés est liée à l’inquiétude de l’état face aux mouvements séparatistes qui existent dans ces provinces et à l’activisme politique de certains mouvements féministes. Or, cette situation peut être perçue comme étant typique d’un état qui octroie aux femmes des droits et des libertés économiques, religieuses et culturelles, toujours quand il ne se sent pas menacé. Le message à la société serait le suivant : les droits des femmes seront permis dans la mesure où ils peuvent être contrôlés. L’ultime priorité consiste à assurer le pouvoir de l’état.
Image : Opéra de Pékin, par miapowterr, Pixabay, CC0 Creative Commons