Une exposition dédiée à Gengis Khan prévue à Nantes n’aura pas lieu cette année
Une équipe du musée d’histoire de Nantes travaille depuis plusieurs années aux côtés du musée de Hohhot, capitale de la Mongolie-Intérieure, sur une exposition dédiée à l’Empire mongol et la vie de son fondateur Gengis Khan. Alors que mille kilomètres séparent ces deux villes, plus de deux cents œuvres archéologiques allaient être transférées en France — une première — afin de mettre en lumière cette période, le temps d’une exposition.
Cependant la censure chinoise a pris de court ces universitaires et chercheurs qui s’apprêtaient à voir leurs efforts aboutir. Plusieurs sujets font l’objet de désaccords historiques et ce, notamment dans une optique d’appropriation de cette époque glorieuse. La route de la soie en est un parfait exemple, la question de savoir si elle a été originellement initiée par l’Empire mongol ou bien avant, par les dynasties successives qui ont précédé la République Populaire de Chine notamment.
Alors que les chercheurs ont essayé de faire comprendre qu’il s’agissait d’un travail purement historique et scientifique, et non pas à visée politique, la direction a préféré annuler plutôt que de montrer une version rééditée par des intervenants venus de Chine. Pour mieux comprendre les enjeux qui se cachent derrière cette surprenante censure, regardons la politique chinoise adoptée à l’égard de l’ethnie mongole vivant principalement en Mongolie-Intérieure (environ 6,5 millions de personnes).
L’historienne Marie Favereau Domenjou, qui a travaillé sur cette exposition, a fait part de son point de vue : « Ce que je crois comprendre, c’est que les Chinois ne se sentent pas en position dominante par rapport aux Mongols […] Ils font aujourd’hui une politique ultra assimilatrice vis-à-vis de la minorité mongole ». Le Directeur du musée considère également que cet évènement montre un certain « durcissement de la position du Gouvernement chinois à l’encontre de la minorité mongole ».
La réforme linguistique prévue en Mongolie-Intérieure fait réagir l’ethnie mongole au-delà de ses frontières
Cet épisode s’insère dans un contexte particulier. En effet, les autorités chinoises ont décidé de mettre en place, il y a deux mois, une réforme linguistique de l’enseignement en Mongolie-Intérieure, à l’image de ce qui a déjà été fait au Tibet et au Xinjiang. Les professeurs des écoles ont dès lors l’obligation d’enseigner en mandarin et non plus en mongol comme c’était le cas jusqu’ici.
Pour rappel, la Mongolie-Intérieure s’est formée dès 1911, à partir des tribus méridionales de ce qui est devenu officiellement, en 1921, la République Populaire de Mongolie. La Chine avait déjà reconnu l’autonomie de cette dernière en 1913 à l’occasion d’un accord sino-russe, mais c’est véritablement en 1915 que la nation mongole est coupée en deux après un accord signé à Kiakhta (Russie) entre la Mongolie, la Chine et la Russie. La Mongolie-Intérieure resta donc chinoise (même après la guerre sino – japonaise déclarée en 1937), tandis que la Mongolie-Extérieure fut indépendante bien que sous forte influence soviétique.
Dès lors, la partie chinoise a par la suite reçu le statut de Région autonome en 1947. Une politique d’immigration des Hans s’est ensuivie, ce qui a renversé la situation démographique et a amené l’ethnie mongole à être minoritaire. Aujourd’hui les Hans représentent 79% de la population régionale (14% en 1947) contre 17% environ pour les Mongols. Ce processus d’inversion de la majorité ethnique a également suscité une mise à l’écart de ces derniers vis-à-vis des activités économiques, et bien évidemment un phénomène de sinisation brutal dès 1949 tant dans leur mode de vie que dans leur identité, au profit d’un effort d’unité nationale et d’intégrité du territoire.
Toujours dans cette optique donc, c’est à l’occasion de cette rentrée scolaire que la langue de cette ethnie minoritaire risque d’être mise à son tour à l’écart. Cependant, étudiants, parents et Mongols résidant à l’étranger n’ont pas attendu longtemps pour réagir, étant donné que l’article 4 de la Constitution chinoise prévoit que « toutes les nationalités jouissent de la liberté d’utiliser et de développer leur langue et leur écriture, de conserver ou de réformer leurs usages et coutumes ». Malgré tout, elle stipule en même temps que tout acte nuisant à l’unité nationale n’est pas accepté. Face aux multiples interprétations que cette loi peut susciter, les mécontentements face à cette réforme ont donné lieu à une répression. De l’autre côté de la frontière, les Mongols essaient de montrer leur soutien, notamment à Oulan-Bator devant l’Ambassade de Chine. De même, le Centre d’information sur les droits de l’homme en Mongolie du Sud (SMHRIC) fait un état des lieux d’une nouvelle atteinte à l’identité mongole. Enfin, l’héritage linguistique et culturel est aussi remis en question car cette Région est la dernière à avoir conservé l’alphabet traditionnel vertical par opposition à l’alphabet cyrillique qui a été adopté en Mongolie-Extérieure dans les années 1940.