Variant sud-africain de la covid-19 et gestion des rites funéraires
Depuis le début de l’année 2021, le variant sud-africain de la covid-19 sévit dans l’archipel des Comores. La seconde vague de l’épidémie a fait plus de 100 morts dans tout l’archipel (les chiffres exacts sont malheureusement impossibles à évaluer). Les autorités étatiques et religieuses ont ainsi pris des mesures pour stopper la propagation de la covid-19.
L’arrivée de la covid-19 à Mohéli
Le variant sud-africain de la covid-19 est apparu sur l’une des îles comoriennes : Mohéli. Sa propagation a été fulgurante et meurtrière. Les ONG telles que le Croissant rouge ont été dépêchées sur place début janvier pour venir en aide à une population déjà fragilisée par un quotidien difficile.
La diaspora comorienne en solidarité à Mohéli a multiplié les cagnottes et appels au don sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram). Du matériel sanitaire a également été envoyé en plus du renforcement de médecins et d’infirmiers dans les rangs du personnel hospitalier. Ainsi, des médecins venant de l’île de Ngazidja (aussi appelée Grande Comore) s’y sont rendus.
Malheureusement, le retour de ces médecins sur les îles voisines (Ngazidja ou Anjouan) a propagé le virus dans l’archipel comorien. De plus, certains pêcheurs venus de Mohéli ou des habitants de l’île ont fui vers les autres îles par peur d’être contaminés par le variant sud-africain. Ces décisions ont également amplifié la propagation du virus.
L’organisation ou l’annulation des rites funéraires en raison de la pandémie
La population comorienne est à grande majorité musulmane sunnite d’obédience shafiite (98%) [1]. Le lavage mortuaire se fait ainsi selon les codes islamiques : le corps du défunt doit être lavé suivant des étapes précises [2]. La présence d’un laveur et d’assistants est requise.
Depuis le début de la pandémie, les mosquées ont été fermées et certains laveurs ont été contaminés par des défunts atteints de la covid-19. Pour les décès à l’hôpital, les aides-soignants se chargent des lavages et des unités médicales spécifiques se chargent de l’inhumation afin d’éviter d’autres contaminations. Tout un ordre social est donc bousculé : la famille du défunt ne peut plus s’occuper du lavage mortuaire.
La prière sur le défunt (salat al janaza) se fait également de manière différente. Les prieurs gardent une distanciation physique par précaution lorsque cela est possible. Aux Comores, lors de la période de deuil (qui dure trois jours comme le veut la tradition islamique [3]), les hommes et les femmes de l’entourage du défunt se réunissent chez sa famille pour lire plusieurs fois l’intégralité du Coran (khatimi al Quran). Cette tradition est également bousculée. Les lectures ne se font désormais plus en réunion par peur de la propagation du virus. Ainsi, chacun lit une partie du Coran chez lui et les invocations en faveur du mort sont faites en comité réduit.
La covid-19 a induit des changements dans la pratique des rites funéraires aux Comores. Ces changements sont possibles grâce à une adaptation des interprétations des notions religieuses en fonction du temps et de l’espace [4].
Notes
Des enquêtes réalisées par l’observatrice aux Comores ont permis la réalisation de cet article.
[1] L’islam sunnite possède en particulier quatre grandes écoles de jurisprudence islamique. L’école shafiite a été fondée par les disciples de l’imam Al Shafii (767 – 820).
[2] Vider le corps du défunt de ses impuretés, laver les parties liées aux ablutions et laver l’intégralité du corps.
[3] Pour la veuve, le deuil dure quatre mois lunaires et dix jours.
[4] Notion de tajdeed explicité dans l’article « Does Islam Need Renewal » de la Yaqeen Institute for Islamic Research.
Image : file d’attente au projet Palu afin de réaliser les tests covid à Moroni Ambassadeur, 15 février 2021, photographie d’Aïmana Assoumani.