Nés en avril 2016 et commencés à Brazzaville, au lendemain de la réélection du président Denis Sassou-Nguesso, les affrontements armés entre le régime congolais et les Ninjas, les partisans de l’ancien chef rebelle Frédéric Bintsamou, se sont poursuivis, jusqu’en décembre 2017, dans la région du Pool, au sud de la République du Congo.
Le présent article, de VOA Afrique, datant du 20 mars 2018, revient sur la mise en œuvre de l’accord de Kinkala du 23 décembre 2017, et relate l’espoir de mettre fin à une crise humanitaire qui touche la République du Congo depuis plus de vingt mois.
Une crise humanitaire oubliée
Le Pool, département enclavé au sud-ouest de Brazzaville, a été durement touché dans les années 90 pendant la guerre civile en République du Congo. Les nombreux affrontements durant cette période ont fait des centaines de milliers de morts et de déplacés, et ont fragilisé fortement ce département riche en matières premières. En avril 2016, consécutivement aux élections présidentielles et aux attaques contre des édifices publics, attribuées par le gouvernement aux milices Ninjas, des opérations militaires ont débuté dans la région du Pool engendrant de nombreux déplacements de population ainsi que des destructions de biens et d’habitations.
Derrière une situation politique instable, la dégradation de la principale voie ferrée du pays par les Ninjas, en novembre 2016, a eu de lourdes conséquences économiques sur la région. L’interruption du trafic ferroviaire, la fermeture des écoles, la désertion de nombreux villages, les graves violations des droits humains, dressent le portrait d’une région dans une situation dramatique. De nombreux témoins et organisations de défense et de protection des droits de l’Homme ont accusé les troupes gouvernementales de nombreuses exactions. Selon l’International Crisis Group, la crise a fait plus de 81 000 déplacés, soit un tiers de la population du Pool. Dans ce contexte de crise, le gouvernement congolais, les Nations Unies et plus de 15 organisations internationales, ont lancé en juillet dernier un appel pour financer un fonds d’aide humanitaire dans la région du Pool.
Accord de paix: quelles avancées trois mois plus tard ?
L’accord de cessez le feu et de cessation des hostilités, conclu le 23 décembre dernier à Kinkala, chef-lieu du Pool, entre le gouvernement de Brazzaville et Frédéric Bintsamou, plus communément appelé le Pasteur Ntumi, devrait permettre de mettre fin à la crise dans la région du Pool. Cet accord traite de la restauration de l’autorité de l’état dans la région et du processus de Désarmement, Démobilisation, Réarmement (DDR). Cependant, selon l’Observatoire congolais des droits de l’Homme, l’accord soulève de nombreuses inquiétudes sur les questions de justice et de réparation des crimes de masse commis dans la région du Pool puisque ceux-ci ne sont pas pris en compte. Le directeur exécutif de l’Observatoire, Trésor Nzila Kendet, estime que la « paix est une bonne chose mais cet accord ne peut être durable s’il consacre l’impunité ».
Le 17 janvier 2018 s’est réunie à Brazzaville, pour la première fois, la commission mixte paritaire, dirigée par le ministre congolais de l’Intérieur et de la Décentralisation. Elle a constitué la première étape des négociations vers la mise en œuvre de l’accord de Kinkala. Le 22 janvier, la commission a remis aux autorités ses recommandations. En effet, elle conditionne la mise en œuvre de l’accord à différentes actions telles que la réinsertion des ex-combattants, le redimensionnement du dispositif militaire dans le département du Pool, la reconstruction et le retour des populations déplacées dans leurs villages mais aussi la libre circulation des personnes et des biens dans le pays.
La commission appelle par ailleurs le gouvernent à prendre les mesures nécessaires pour que le Révérend Pasteur Ntumi, sous le coup d’un mandat d’arrêt, recouvre ses droits et libertés. Elle exige de ce dernier son engagement « à garantir respect et application stricte de l’accord aussi bien dans ses communications que dans ses actes ». Il semble être la personne ressource afin de sensibiliser les ex-combattants à la nécessité de respecter cet accord.
Le DDR : au coeur du processus de paix
Le processus de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) s’impose comme une exigence majeure dans la construction d’une paix durable en République du Congo. Le démarrage du processus est prévu pour le 5 avril 2018 et se déroulera sur 14 sites. En permettant de traiter directement avec les combattants susceptibles de causer l’insécurité et la violence, le processus doit aider à la stabilisation immédiate du pays et encourager son développement sur le long terme. Partie intégrante des efforts de consolidation de la paix, puisqu’il permet de contribuer à la sécurité de l’Etat en encourageant toutes les parties au conflit à devenir des participants actifs à la reconstruction du pays, le DDR constitue une étape majeure dans la résolution de la crise du Pool et porte en lui l’espoir d’un retour de la paix et de la cohésion nationale.
Bien qu’étant une question délicate, puisque rien ne garantit que les protagonistes respectent leurs engagements, le rassemblement et le contrôle des armes détenues par les groupes armés mais aussi par la population civile, la réinsertion des anciens combattants et la restitution de leur statut civil illustrent en partie le caractère social mais aussi économique et politique du DDR. Cependant, il conviendra dans les prochaines semaines d’évaluer les avancées dans la mise en œuvre de l’accord de Kinkala. En effet, les initiatives DDR et ses visées ne doivent pas être trop larges, ce n’est qu’une étape dans la résolution de la crise du Pool et ce processus n’est pas conçu pour répondre à d’autres facteurs de conflit tel que la faiblesse en matière de gouvernance et le mauvais partage des ressources, souvent à l’origine des revendications sécessionnistes des groupes armés.
Image: Toy gun in Congo, by Cody Pope. Flickr CC 2.0