Un couple marié égyptien se sépare toutes les six minutes. Pour le Grand Cheikh d’al-Azhar (Grand imam de la mosquée Al-Azhar, considéré comme un des dirigeants de la religion sunnite en Égypte), le Grand Mufti (plus haute autorité religieuse sunnite du pays, et également considéré comme un des dirigeants de la religion sunnite en Égypte), le Ministère de la Solidarité Sociale et le Président al-Sissi lui-même, ce chiffre est trop élevé. Ce mois de septembre 2018 a donc vu le lancement d’un grand programme visant à réduire le taux de divorce dans le pays, en parallèle de conseils aux couples souhaitant se marier. La version anglophone et en ligne du quotidien Al-Masry Al-Youm (journal à tendance libérale), Egypt Independent, revient sur le lancement de ce programme.
« Préserver la famille »
Dès 2017, le Président Al-Sissi déclarait vouloir lutter contre la séparation de couples en Égypte, et proposait une réforme du divorce pour les couples musulmans, incluant à la fois l’homme et la femme dans les procédures. La loi égyptienne autorise en effet un homme à divorcer de sa femme sans le lui annoncer, et permet également le divorce oral. Cette loi concerne cependant seulement les couples musulmans, le mariage et le divorce étant régulés selon la religion. Si le divorce est possible (avec ou sans faute) pour les couples musulmans, les couples coptes ne sont, par exemple, autorisés à divorcer que dans deux cas : l’une des deux parties commet un adultère ou change de religion.
La Mosquée al-Azhar a exprimé des résistances à une réforme du divorce, mais semble prête à participer à des programmes de prévention de la séparation. Sa campagne « Vivre ensemble en paix » a pour but de montrer comment établir une famille heureuse et ainsi éviter le divorce. La campagne d’al-Azhar passe par des programmes universitaires, mais aussi et surtout par des vidéos sur les pages officielles de l’institution. Sur le compte Twitter @AlAzhar, on peut par exemple retrouver des vidéos expliquant comment survivre aux problèmes financiers, comment casser la routine dans le couple, mais aussi comment éviter les violences conjugales.
Une famille égyptienne moderne ?
Cette campagne s’adresse aux hommes comme aux femmes, mais semble se concentrer particulièrement sur le divorce talaq (rupture volontaire du mariage). Or, depuis 2000, une nouvelle forme de divorce est possible, à l’initiative des femmes musulmanes égyptiennes, la khula. Par ce divorce, ces femmes renoncent à toute demande financière et à de nombreux droits. Ces obstacles s’ajoutent au stigmate du déshonneur lié au divorce, et aux difficultés que pose la société aux femmes divorcées. En 2015, la khula représentait 67,5 % des demandes de divorce.
Bien que le Ministère de la Solidarité Sociale ait annoncé la mise en place d’indicateurs pour évaluer l’efficacité de ces programmes anti-divorce, les annonces de ces dernières semaines semblent donc être surtout un moyen de rassurer la population égyptienne qui s’inquiète de l’augmentation des séparations. Les autorités se concentrent sur les personnes encore mariées, et ne proposent pas de solutions aux familles déjà séparées. Al-Sissi tente ainsi de concilier un visage moderne, en annonçant vouloir inclure les femmes dans les procédures, et un visage traditionnel. Mais en insistant avec al-Azhar sur l’importance de la famille, symbole de la stabilité, il semble surtout vouloir conserver la tradition.
Image : Al-Azhar mosque, Le Caire Egypte, Pixabay Creative commons.