Fin mars dernier, le Pape François, en visite au Maroc, n’a pas manqué de partager une nouvelle fois sa vision de la crise migratoire actuelle touchant l’Europe. Son discours est simple : il est désormais nécessaire de passer des « engagements pris » vers des « actions concrètes » en faveur de l’accueil des migrants. Trois ans après son retour de Lesbos et son appel auprès des catholiques à ce sujet, la communauté catholique française est-elle unie autour de la question migratoire ?
Doutes et divisions : quand le message du Pape François dérange
Pour Pierre Jova, journaliste et auteur de l’ouvrage « Les chrétiens face aux migrants », l’immigration reste un sujet d’actualité brûlant au sein de la communauté catholique. Les chrétiens en général (catholiques, protestants, évangéliques, etc) restent à ses yeux partagés entre un désir d’aider leur prochain, et la sensation que leur pays s’éloigne d’eux culturellement. Aussi, une minorité de catholiques ne se reconnaissent pas dans les propos du Pape. Son discours leur apparaît comme dangereux: ils distinguent en effet charité et bien commun. Un accueil inconditionnel serait une menace pour la sécurité culturelle du pays. L’immigration fragiliserait leur mode de vie.
Le Pape François est en effet un agitateur de conscience. Il les bouscule, les met face à leurs responsabilités en tant que catholiques. Certains se rebellent, attirés par les discours alarmistes de l’extrême droite, mettant en garde contre le « grand remplacement culturel ». Le Pape insiste d’ailleurs sur le faire que considérer tous les migrants comme une menace n’a « aucun sens » et est « irresponsable. »
L’Eglise en plein bouleversement : vers une société et une communauté catholique plus accueillantes ?
Pour Antoine Paumard, prêtre et directeur du Service jésuite des réfugiés, le respect envers les plus démunis est une valeur qui prévaut chez les catholiques. Il rappelle par ailleurs que ceux-ci ont une vision plus modérée et bienveillante des migrants que la population française en général, comme l’a montré une étude de l’IFOP (Institut français de l’opinion publique). Un quart des catholiques sont inconditionnellement en faveur de l’accueil des migrants, et 61 % s’opposent à la fermeture des frontières. Evidemment, il existe une minorité intolérante, mais Antoine Paumard appelle à la vigilance quant aux réseaux sociaux sur lesquels ceux qui s’expriment le plus fort sont généralement les moins bienveillants, et sont non-représentatifs de l’ensemble des catholiques.
Face à la peur du « grand remplacement, » les mots du Pape au Maroc sont essentiels. Il a ainsi rappelé que la foi demande de changer ses points de vue et modes de vie. Il a, une fois de plus, renvoyé les catholiques face à leurs pratiques et schémas de pensée. En outre, la question migratoire complète les discussions générées par les scandales liés aux agressions sexuelles qui ont bousculé l’Eglise. Il pose ainsi la question, « quelle société, quelle Eglise désirons-nous pour demain ? ». Ces crises et préoccupations sont une occasion pour l’Eglise d’évoluer et aux catholiques de prendre conscience que celle-ci ne sera plus la même qu’hier. Le climat actuel est donc un climat de changement, et de respect envers les plus vulnérables. Au milieu des doutes, des peurs et des divisions, le message (universel) du Pape est clair : respect et bienveillance sont les clefs. Encore faut-il qu’il soit entendu.
Image : Le Pape François sur la place St Pierre au Vatican, by Max Pixel, CCO Domaine public.