Depuis les élections législatives, municipales et sénatoriales du 12 novembre 2017, remportées à la majorité par le parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), 147 militants politiques dont des cadres du parti Citoyens pour l’innovation (CI) ont été arrêtés et sont poursuivis pour « sédition, attentat contre l’autorité, désordre public, blessures graves et dégâts ». Accusés d’une tentative de coup d’Etat, le procureur a requis la peine de mort pour tous les opposants, le 14 février dernier.
Dans ce communiqué, datant du 2 février 2018, la porte-parole du Service extérieur de l’Union Européenne, Catherine Ray, s’inquiète des nombreuses restrictions de liberté et arrestations qui se poursuivent depuis les élections de novembre 2017, en Guinée équatoriale.
Des élections sans candidats d’opposition?
La réélection en avril 2016 du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a été une opportunité manquée pour la démocratisation du pays. Malgré le signalement de nombreuses fraudes électorales et violations des droits humains, avant le déroulement du scrutin, ce dernier a remporté l’élection avec plus de 93,7 % des voix. Depuis son arrivée au pouvoir en 1979, il a cumulé pas moins de cinq mandats consécutifs. A la tête du pays depuis plus de 39 ans, le président équato-guinéen est le doyen des dirigeants sur le continent africain, par sa longévité au pouvoir.
Avec les élections du 12 novembre dernier, le scénario semblait déjà écrit. Le Parti Démocrate de Guinée Equatoriale (PDGE), le parti du président, a confirmé son assise. Le parti et ses 14 alliés, ont obtenu les 75 sièges de sénateurs et ont été élus à la tête de la totalité des mairies du pays. A la chambre des députés, ils ont remporté par ailleurs 99 des 100 sièges, un siège allant au parti Citoyens pour l’innovation (CI). A la suite de ces résultats, de nombreux opposants ont dénoncé de multiples irrégularités. Les coupures d’Internet et des réseaux sociaux le jour du scrutin, aux motifs sécuritaires ou techniques, illustrent une violation de l’Etat de droit en Guinée équatoriale, où le gouvernement veut simplement contrôler la diffusion de l’information politique.
Une détérioration des droits humains
Fin janvier 2018, le gouvernement a annoncé avoir déjoué un coup d’Etat en décembre 2017. Dans sa déclaration datant du 2 février, l’Union européenne revient sur « la tentative de déstabilisation préoccupante » survenue en Guinée équatoriale au lendemain des élections. Bien que les circonstances soient floues, le président équato-guinéen affirme que ses services ont fait « avorter le projet d’un groupe de mercenaires tchadiens, centrafricains et soudanais », membres de l’opposition radicale, dans la nuit du 27 au 28 décembre.
A la suite de cet événement et des élections, 147 militants de l’opposition ont été arrêtés à diverses occasions. Catherine Ray évoque des « arrestations qui se poursuivent sans discontinuité » dans le pays. Durant leurs procès la semaine dernière, selon des témoins, une trentaine d’entre eux ne pouvaient se tenir debout du fait des violences subies en détention. Le décès d’un opposant politique en prison en janvier dernier, M. Santiago Ebbe Ela, membre du CI, confirme une forte détérioration des droits de l’Homme dans le pays.
Dans son rapport de 2016-2017, EG Justice, une organisation de défense des droits humains qui milite pour l’État de droit en Guinée équatoriale, rappelle l’absence dans le pays d’un cadre juridique afin de faire respecter ces droits. Les dernières arrestations et les violations récurrentes envers les opposants politiques et les activistes pacifiques, illustrent l’incapacité du gouvernement à s’engager sur le long terme, et entreprendre des réformes concrètes et efficaces.
La situation se dégradant fortement, il conviendra dans les prochains mois d’exhorter les autorités du pays à mettre un terme à toute forme d’intimidation et de violence afin de garantir aux citoyens le plein exercice de leurs droits et de leurs activités sans crainte, indépendamment de leurs opinions politiques. Seule une surveillance accrue de la situation, permettra d’empêcher le rétrécissement de l’espace démocratique en Guinée équatoriale.
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