Avec la plaine de Ninive progressivement libérée de la présence de l’Etat islamique par les forces de sécurité irakiennes et les milices chiites, les chrétiens reviennent progressivement dans cette province, où leur présence est historiquement très forte. Toutefois, un grand nombre hésite à revenir, préférant rester dans le Kurdistan irakien, à Bagdad, ou à l’étranger où ils ont trouvé refuge.
Les chrétiens de Ninive craignent de subir à nouveau des violences ou des exactions s’ils retournent chez eux. L’archevêque chaldéen d’Erbil, Rabban al-Qas, affirmait ainsi en octobre 2016 que « les chrétiens préfèrent rester au Kurdistan plutôt que rentrer chez eux », malgré les appels de plusieurs responsables chrétiens encourageant leurs coreligionnaires à revenir dans la province de Ninive.
Les craintes des chrétiens reposent principalement sur les résidus de mouvements extrémistes qui pourraient subsister dans la province de Ninive, ainsi que les « forces extrémistes qui pourraient chercher à se venger », selon le prêtre Yaacoub al-Bartali. Pour lui, « la chose la plus importante que les chrétiens ont perdu dans leur immigration forcée, ce ne sont pas leurs maisons ou leurs terres : c’est leur confiance en les fils et filles des villages arabes sunnites voisins qui ont rejoint l’Etat islamique ».
Cette constatation est partagée par un grand nombre de chrétiens, qui ont commencé à refaire leur vie loin de Mossoul. Depuis 2003, en raison des exactions et discriminations dont ils ont fait l’objet, les chrétiens ont massivement quitté l’Irak, au point d’être moitié moins nombreux aujourd’hui.
Luis Caro, un parlementaire irakien chrétien, reconnaît que les autorités doivent convaincre les chrétiens de revenir en déployant les moyens nécessaires pour leur montrer qu’ils seront protégés et pris en considération. De plus, des fonds doivent être débloqués pour leur permettre de reconstruire leurs maisons et leurs églises, tout en finançant l’entraînement et l’équipement de milices chrétiennes, à l’instar de celles combattant actuellement aux côtés des Unités de mobilisation populaire, telles que les Brigades de Babylone.
Pour le moment, une grande majorité de chrétiens a trouvé un refuge, un travail et les conditions nécessaires pour vivre sereinement leur foi au Kurdistan, en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis, et n’envisage donc pas de revenir ; ceci d’autant plus que le gouvernement irakien n’a pour l’instant annoncé aucune mesure visant à les encourager à revenir. Le secrétaire général des Brigades de Babylone, Rayan al-Kildani, affirme quant à lui qu’il est nécessaire de lancer des initiatives pour parvenir à une réconciliation nationale, afin de permettre la coexistence pacifique des ethnies et des religions.
Ce type d’initiatives semble voir le jour : le 7 juin par exemple, des jeunes de Mossoul ont commencé à s’organiser pour faire revenir les chrétiens dans le quartier historique de Mossoul en nettoyant un grand nombre d’églises et de monastères, tandis que d’autres remettaient en place des croix chrétiennes. Un document publié par le gouverneur de Ninive le 23 avril révélait quant à lui la formation d’un comité visant à faire cesser la confiscation des maisons de chrétiens afin que ces habitations soient rendues à leurs vrais propriétaires.
Le retour des chrétiens dans la plaine de Ninive passera ainsi, avant tout, par des initiatives locales permettant de tisser à nouveau les liens de confiance brisés par l’extrémisme religieux et la guerre.
Image : L’église Saint Ephrem à Mossoul, transformée en mosquée par l’Etat islamique durant son occupation. By Preemptive Love