Depuis plusieurs semaines, les mouvements et partis politiques islamiques (comme le parti chiite de l’Alliance nationale irakienne, par exemple) ont intensifié leur communication contre l’athéisme et la nécessité de contrer sa propagation en Irak. Ces mouvements et partis politiques islamiques s’inquiètent du désintérêt de plus en plus visible, voire du rejet, de la population à leur encontre et des conséquences que cette tendance pourrait avoir sur les prochaines élections, prévues pour fin 2017-début 2018.
Les mouvements religieux à l’offensive
La crainte est telle que les responsables religieux n’hésitent pas à aller à l’encontre de la Constitution irakienne, qui garantit le respect de la liberté de croyance des autres, en appelant les croyants à confronter les « insignifiants » sécularistes « avec un raisonnement juste et un poing de fer ».
Durant le Ramadan, les lectures religieuses assurées dans les villes chiites du centre et du Sud de l’Irak (où se concentre la base électorale des partis islamiques) encourageaient les croyants à lutter contre la propagation des idées athées et sécularistes, présentées comme des menaces pour la société irakienne. L’ancien Premier Ministre Nouri al-Maliki, très influent dans les milieux chiites, a par exemple parlé le 30 mai dernier d’une « dangereuse conspiration » actuellement fomentée par les sécularistes et les mouvements non-religieux afin de prendre le pouvoir sur les partis islamiques.
L’athéisme, une notion polysémique dans le monde arabe
L’athéisme, dans le monde arabe, recouvre un grand nombre d’idéologies et de mouvements différents. Pour le philosophe égyptien Abdel Rahman Badawi, il recouvre les agnostiques, les mouvements sécularistes qui rejettent le rôle politique du religieux, et ceux qui critiquent pour des raisons diverses et variées la religion.
Sécularisme et athéisme sont ainsi souvent confondus dans les discours religieux islamiques et forment à eux deux un concept global incarnant les opposants à la religion et présentant une menace pour elle. En effet, pour beaucoup de musulmans irakiens, séparer la religion du politique est une forme d’infidélité vis-à-vis d’Allah, car cela revient à ignorer la loi divine.
Être athée, une tendance croissante mais mal perçue
Une part croissante d’Irakiens s’éloigne de la religion, la considérant comme étant la source de leurs maux et de la naissance de groupes extrémistes comme l’Etat islamique. Un libraire bagdadi indiquait ainsi que les jeunes Irakiens étaient de plus en plus nombreux à venir acheter des livres sur l’athéisme ; en parallèle, le communisme attire à lui un nombre croissant d’adeptes. D’ailleurs, Faisal Saeed al-Mutar, militant des droits de l’Homme, écrivain et satiriste, a récemment fondé « Idées sans frontières » , dont le but est de défendre les Irakiens athées, de les aider à s’organiser et revendiquer leurs droits.
De fait, un grand nombre d’athées a dû fuir l’Irak en raison de harcèlement ou de menaces. Jamal al-Bahadly, un militant athée, a ainsi déclaré avoir reçu des menaces de mort de la part de miliciens chiites basés à Bagdad, le forçant à quitter le pays en 2015 pour l’Allemagne. Il affirme ainsi avoir « le sentiment que la Déclaration universelle des Droits de l’Homme [adoptée par l’Irak en 1948] ne m’inclue ni moi, ni les autres athées d’Irak ».
Face à l’accroissement du nombre d’athées en Irak, et face à la perspective de voir décliner leur pouvoir, les partis et mouvements islamiques risquent d’intensifier leur offensive contre l’athéisme dans le pays.
Image : Ammar al-Hakim, leader du parti de l’Alliance nationale irakienne, flanqué du drapeau irakien et de celui de son parti. By Hamed Malekpour