Depuis le début de la crise irako-syrienne, les forces du Hezbollah et les milices chiites soutenues par l’Iran se sont révélées omniprésentes car indispensables sur le terrain : les milices chiites furent par exemple en grande partie à l’origine de l’arrêt de l’offensive de l’Etat islamique sur Bagdad en 2014. Aujourd’hui encore, elles continuent de jouer un rôle majeur dans la lutte contre les groupes djihadistes.
Cette omniprésence militaire sur le terrain s’est logiquement traduite par une plus forte influence du chiisme en Syrie et en Irak. Cet expansion de l’influence des chiites est, de fait, mal perçue par les sunnites qui craignent que les premiers ne profitent de la situation pour accroître leur emprise territoriale et politique, au détriment des populations sunnites.
Le cas de Samarra, une ville à majorité sunnite à 100 km au Nord Ouest de Bagdad est, à cet égard, évocateur : les sunnites sont persuadés que des changements démographiques organisés sont en cours, au profit des chiites. La ville est en effet un lieu de pèlerinage majeur pour ces derniers, car c’est là qu’ils viennent commémorer chaque année le martyr du 10ème imam, Ali al-Hadi (829-868). Le 2 avril dernier, près de 1,5 million de chiites se sont ainsi rendus à Samarra.
Les accusations des sunnites sont particulièrement variées et nombreuses : certains accusent par exemple les responsables chiites d’avoir confisqué des biens immobiliers appartenant à des sunnites en falsifiant, entre autres, des documents officiels. Noura al-Bajari, membre sunnite du parlement, a affirmé de son côté que des responsables chiites versaient des « sommes considérables » aux propriétaires sunnites afin de les encourager à partir, avant d’y installer des chiites à la place. La présence des PMU (Popular Mobilization Units, des milices chiites), installées dans la ville pour la protéger de toute potentielle incursion de Daech, selon leur commandant, participe de ce sentiment d’une main-mise des chiites sur Samarra.
L’exemple de Samarra représente ainsi, à son niveau, les enjeux religieux auxquels fait face l’Irak et les tensions croissantes qu’elle devra résoudre lorsque l’Etat islamique aura été défait.
Image : Al Askari Mosque, by David Stanley