Le rapport de l’Organisation des Nations Unies (ONU) dénonce les ripostes israéliennes lors des manifestations de Gaza en mai 2018. En effet, il qualifie ces dernières d’essentiellement « civiles », ne justifiant dès lors pas l’intervention des tireurs d’élites militaire. Ce fût toutefois le cas. Le 1er mars 2019, la Commission a donc conclu qu’Israël avait commis des « crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité » dans la bande de Gaza.
La « marche du retour » (2018), contexte de cette accusation
En 2018 se sont déroulées tous les vendredis (du 30 mars au 15 mai) d’importantes manifestations à Gaza et dans les territoires palestiniens en raison de la « marche du retour ». Pour les Palestiniens, il s’agit de faire valoir leur « droit au retour » dans leurs villes et villages d’origine antérieurs à 1948. En effet, l’ONU considère qu’environ 700 000 Palestiniens ont été déplacés lors de cette première guerre israélo-arabe.
Les manifestations ont atteint leur paroxysme la journée du 14 mai 2018, jour du déménagement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem et veille du 70ème anniversaire de la Nakba. 59 Palestiniens ont été tués uniquement ce jour-là selon Amnesty International tandis que le nombre total de victimes s’élèvent à plus de 150 morts selon le Centre de Défense des droits humains al Mezan et 5 814 personnes blessées à balles réelles par l’Armée Israélienne.
La situation particulière de la bande de Gaza
La situation dans la bande de Gaza diffère de celle des territoires palestiniens. Cette bande de terre de 362 km2 dans laquelle se trouvent deux millions de Palestiniens a été libérée de toute occupation israélienne en 2005. Toutefois, la domination du Hamas, considérée comme organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis et l’Union Européenne, inquiète l’Etat hébreu. Ce dernier opère donc depuis onze ans un blocage terrestre, aérien et maritime et contrôle toujours ses frontières. La situation humanitaire se dégrade de jour en jour avec un accès à l’eau potable qui s’élève seulement à 3 % et un taux de chômage de 53 % selon la Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine. Afin de lutter et de résister contre ce que les Gazaouis qualifient « d’occupant israélien », ces derniers emploient des moyens tels que les cerfs volants enflammés. Portés par le vent, ils incendient ainsi les champs cultivés par les communautés israéliennes de l’autre côté de la clôture de sécurité. Cette technique est difficile à contrer du côté israélien à la différence des roquettes contre lesquelles le système de défense aérien « Dôme de Fer » s’est révélé très efficace. Le ministre israélien de la Sécurité Intérieure, Gilad Erdad, a déclaré à ce sujet en juin 2018 : « Ce sont des terroristes, leur âge n’a pas d’importance » et aurait même appelé à tirer sur les manifestants selon le journal Ha’Aretz.
Le « crime contre l’humanité », un crime particulier
Le crime contre l’humanité a été créé en 1945 à l’occasion du procès de Nuremberg. Jean-Philippe Feldman, dans le Dictionnaire de la culture juridique, le définit comme une « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ». L’article 7 du Statut de Rome qui crée la Cour Pénale Internationale (CPI) en 1998 donne la liste des crimes de droit commun considérés comme crimes contre l’humanité. La CPI est le seul tribunal permanent chargé de sanctionner ces derniers en dehors des juridictions pénales nationales pour les Etats qui l’ont placé dans leur droit pénal. En France, c’est le seul crime imprescriptible du droit français.
Pour que l’un des crimes cités par la CPI soit qualifié de « crime contre l’humanité » il faut qu’il ait été commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque ». Or le président de la Commission, Santiago Canton, a présenté en détail les conclusions du rapport ce vendredi 1er mars : « Les soldats israéliens ont commis des violations du droit international humanitaire et des droits humains. Certaines de ces violations peuvent constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité et doivent immédiatement faire l’objet d’une enquête par Israël ». En effet, le rapport de l’ONU précise que 189 Palestiniens ont été tués lors de la « marche du retour ». Parmi eux des enfants, des personnes handicapées, des journalistes et du personnel médical, alors qu’il considère les manifestations comme étant de « nature civile » et que « les manifestations ne constituaient pas des combats ou des campagnes militaires » justifiant l’emploi de la force d’une telle ampleur par Tsahal (armée israélienne).
Un rapport jugé partial par Israël
Le ministre des Affaires étrangères israélien a, quant à lui, dénoncé un « rapport hostile, mensonger et partiel contre Israël, produit par le théâtre de l’absurde pratiqué au Conseil des droits de l’Homme ». Ce dernier rejette la faute sur le Hamas. En effet, il estime que l’« organisation dont l’objectif déclaré consiste dans la destruction de l’Etat d’Israël, pousse les habitants de Gaza, y compris les femmes et les enfants, vers la barrière (frontalière) », ce serait donc à elle de porter la responsabilité.
Ce rapport tombe mal pour le Premier Ministre Benjamin Netanyahu déjà accusé de trois affaires de corruption. A quelques mois des élections législatives auxquelles il présente sa candidature dans l’optique de briguer un quatrième mandat, il dénonce une « chasse aux sorcières contre la seule démocratie du Moyen-Orient ».
Image : Bande de Gaza par Hosni Salah. Pixabay.