Un accord sur les réfugiés en provenance d’Afrique est sur le point d’être conclu entre les gouvernement israéliens et rwandais. Les négociations, encore en cours fin novembre 2017, prévoient le versement de 5 000 dollars au gouvernement rwandais pour chaque migrant se trouvant sur le sol israélien qu’il recevra et prendra en charge.
Un instrument pour renforcer la politique anti-migratoire d’Israël
Cet accord devrait permettre le rapatriement de plusieurs milliers de migrants sur leur continent d’origine. En parallèle, le gouvernement a annoncé la fermeture, d’ici le mois de mars prochain, du centre de rétention d’Holot, situé dans le désert du Negev, et qui héberge encore 1 000 personnes. Benjamin Netanyahu se félicite de cet accord qui devrait soulager le pays de la présence de nombreux étrangers qu’il qualifie d’« infiltrés », en référence à l’amendement de la loi dite des « infiltrés » adoptée en décembre 2014, à l’origine réservée aux Palestiniens et à présent étendue à l’ensemble des personnes franchissant illégalement les frontières de l’Etat.
Sigal Rozen, fondatrice de l’ONG israélienne Hotline for Migrant Workers, s’insurge contre ce plan d’expulsion à peine dissimulé, et souligne que cette mesure est illégale, aussi bien au regard du droit international que du droit national israélien. En tant que pays signataire de la Convention pour les réfugiés de 1951, Israël a l’obligation d’accueillir toute personne dont la situation nécessite la protection internationale.
Cette information est rapportée par la plate-forme Middle East Eye qui souhaite fournir une information indépendante sur la région du Moyen-Orient. L’article retranscrit l’indignation des défenseurs des droits de l’Homme, comme pour souligner le cynisme d’une telle décision.
Le marchandage politique des réfugiés africains
L’accord arrive au moment d’un renforcement des liens diplomatiques entre le Rwanda et Israël. A l’occasion d’une rencontre entre plusieurs chefs d’Etat africains et Netanyahu à Nairobi, ce dernier a profité de la présence de Paul Kagame, ce 28 Novembre, pour annoncer l’ouverture prochaine d’une ambassade israélienne à Kigali et la création d’une ligne aérienne reliant la capitale à Tel Aviv.
Israël n’en est pas à son coup d’essai concernant le non-respect du droit international à l’encontre des demandeurs d’asile africains. En février 2013, The Hotline for Migrant Workers alertait déjà sur la situation des migrants en Israël, ceux-ci se voyant généralement offrir deux options : la détention arbitraire ou le « rapatriement volontaire ». Le gouvernement utilise déjà la loi des infiltrés pour détenir les migrants dans des centres de rétention pour une période allant jusqu’à vingt mois. Holot est le principal centre de rétention pour ces « infiltrés ». Alors que la plupart des migrants sont des réfugiés en provenance d’Erythrée et du Soudan, ce centre s’apparente plus à une prison à ciel ouvert qu’à un lieu de transit et d’orientation. Les personnes détenues n’ont la plupart du temps pas la possibilité de remplir un dossier de demande d’asile et sont simplement traités comme des illégaux.
L’accord sur le rapatriement de réfugiés entre Israël et le Rwanda serait le premier contrat officiel organisant cette politique d’échange. Il est cependant envisageable de penser qu’il existait déjà des accords secrets de même nature. Israël propose depuis plusieurs années une compensation de 3 500 dollars pour chaque migrant quittant volontairement le territoire. Il est cependant difficile d’imaginer que ces départs n’aient pas fait l’objet d’une contre-partie pour les pays de destination de ces personnes, le Rwanda en tête.
Dans ce contexte, l’accord Israël-Rwanda ne fait que perpétrer de vieilles pratiques mais avec pour objectif de les normaliser.
Externaliser pour contourner le droit à l’asile
En réalité, l’accord Israël-Rwanda fait état de négociations que l’on pourrait qualifier dans l’air du temps. Les politiques migratoires des pays développés tendent à concentrer le poids humain des crises internationales hors de leurs frontières. Les demandeurs d’asile en provenance d’Israël ne sont ainsi pas les seuls à être recueillis par le Rwanda après avoir transité par des pays tiers. Suite à l’affaire des ventes de migrants africains comme esclaves en Libye, le président de la commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, avait appelé à la mobilisation des pays du continent pour venir en aide à leurs ressortissants en danger et organiser leur évacuation. Louise Mushikiwabo, ministre des affaires étrangères du Rwanda, déclarait le 23 novembre en guise de réponse être prête à accueillir 30 000 migrants en provenance de Libye, précisant « Etant donné la philosophie politique du Rwanda et notre propre histoire, nous ne pouvons pas rester silencieux quand des êtres humains sont maltraités et vendus aux enchères comme du bétail ». Or, la situation aurait pu être différente si l’UE n’avait pas passé un accord avec la Libye pour que celle-ci retienne les migrants derrière les frontières.
La principale question que nous devons nous poser est de savoir si cet accord respecte les conventions internationales, et dans quelle mesure il est profitable pour les demandeurs d’asile. Les conditions d’accueil des migrants en Israël sont en effet déplorables, et les perspectives d’être régularisé quasi-inexistantes. Via l’accord en pourparler, Israël devra rendre des comptes pour continuer à faire valoir la légalité de sa politique, et donc s’assurer d’un traitement digne des réfugiés dans le pays où il envoie les personnes ayant sollicité sa protection. Nous pouvons également espérer que l’argent versé au Rwanda pour l’accueil sera soumis à des conditions d’utilisation strictes allant dans le sens du bien-être des réfugiés. Cependant, cet échange nécessite de contraindre les demandeurs d’asile à une destination qu’ils n’ont pas choisie. De plus, il serait prudent de garder à l’esprit que la coopération du Rwanda à la politique anti-migratoire d’Israël n’est pas une oeuvre de charité mais revête également des intérêts particuliers. Cette politique pourrait notamment servir à lisser l’image du pays, récemment condamné dans un rapport de Human Right Watch pour détentions illégales et actes de torture contre ses prisonniers.
Image : African Asylum seekers imprisoned in Holot « open » prison exiting the facility, December 2013, By Hagits – Own work, CC BY-SA 4.0