La fin d’année 2019 et le début de l’année 2020 auront été des périodes particulièrement sanglantes en Afrique de l’Est. Les attaques terroristes se sont multipliées de la Somalie au Mozambique. Les autorités locales, les journalistes ainsi que les forces armées de pays étrangers comme l’Union Africaine ou les Etats-Unis sont les cibles récurrentes d’attentats.
Le sud de la Somalie et le nord du Kenya : une région ensanglantée
L’Afrique orientale connait un regain de violence depuis l’installation des Shebabs affiliés à Al Qaïda en Afrique de l’Est. Ces derniers, influencés par des idéaux extrémistes, ne souhaitent pas voir au pouvoir des dirigeants prônant un islam tolérant et ont juré la fin du régime somalien en place. L’Afrique de l’Est, et la région swahili plus spécifiquement, connait un islam d’obédience chaféite[1] qui a d’abord été accepté par les élites pour s’étendre aux différents peuples de l’époque médiévale jusqu’à aujourd’hui. Cette organisation semant la terreur dans la région a été à l’origine de nombreuses attaques terroristes ciblant notamment les organismes militants pour les droits de l’homme et la liberté de la presse.
Le 5 janvier 2020, Lamu, lieu touristique et de pèlerinage (ziyarat[2] d’Al Habib Saleh, savant soufi d’origine comorienne) a connu une attaque de grande envergure. Les Shebabs ont attaqué la base américaine « Simba » près de la piste aérienne de Manda. 4 shebabs sont morts, 3 soldats américains et des infrastructures américaines détruites. Quelques jours auparavant, 3 personnes ont perdu la vie à Mombasa lors d’une autre attaque terroriste. A Wajir, au Kenya toujours, 8 morts sont à déplorer après qu’un camion a été attaqué. Le Mozambique est également touché : le 2 novembre dernier, RFI relayait l’information de deux attaques en moins de 48 heures qui ont fait une quinzaine de morts. Au Mozambique, depuis deux ans, tous les deux jours, un mort victime d’une attaque terroriste est à déplorer.
Ces attaques revendiquées par les Shebabs ont généralement lieu dans les régions frontalières séparant le Kenya et la Somalie. Depuis 2006, des réfugiés somaliens ont fui les attaques des Shebabs et les répressions du gouvernement en migrant vers le Kenya. Les Shebabs se sont installés dans la région et se dissimulent dans cette population de réfugiés, ou bien dans les zones rurales afin de préparer leurs attaques. Ces dernières sont souvent les mêmes : fusillades contre des camions, des bus ou des attentats suicides.
Une revanche des États-Unis
Le 22 février dernier, les forces armées américaines ont tué Bashir Qoorgaab et sa femme. Ce haut commandant de l’organisation al Shebab, commandant de la brigade « Jaysh Ayman » avait préparé l’attaque qui a fait 3 morts chez les soldats américains dans la base américaine de Simba le 5 janvier. Comme nous le rappelle RFI : « Le 5 janvier dernier, un groupe appartenant aux terroristes somaliens shebabs avait pénétré à l’intérieur du camp Simba, situé le long de la côte kenyane, non loin de la Somalie. Les islamistes avaient alors tué trois Américains et détruit six avions ». Ces attaques sont justifiées par une volonté d’éloigner toute ingérence étrangère dans la région pouvant menacer la présence et l’existence même de l’organisation terroriste somalienne.
Les journalistes, cibles privilégiées des extrémistes
Le 13 février 2020, le Figaro international a relayé les propos de Deprose MUCHENA, responsable d’Amnesty internationale pour l’Afrique de l’Est et du Sud. «Survivre de justesse à l’explosion d’une voiture piégée, se faire tirer dessus, passer à tabac, être victime d’une arrestation arbitraire… les journalistes travaillent dans des conditions horribles». En effet, depuis de nombreuses années, les journalistes somaliens sont à la fois les cibles privilégiées des Shebab mais sont également opprimés par le gouvernement somalien qui censure leurs travaux, interdit la liberté d’expression et les menace régulièrement.
Cette situation plus qu’inquiétante des journalistes somaliens a eu des conséquences dramatiques en septembre dernier. Un attentat a eu lieu dans l’hôtel al Madina de Kismayo, ville balnéaire de Somalie du sud-est et a fait 26 morts et 56 blessés. Parmi les victimes décédées, la journaliste canado-somalienne Hodan Naleyeh. En décembre, le journal 20minutes rapporte la mort de 5 personnes dans un hôtel de Mogadiscio.
Ce climat anxiogène participe à la fuite des journalistes mais aussi des jeunes de la région. Cette fuite des cerveaux n’est pas sans conséquence. La Somalie reste un des pays les moins avancés au monde et n’arrive toujours pas à mâter ces exactions l’empêchant de s’élever économiquement.
[1] Visite des tombes de personnalités soufies.
[2] Une des quatre écoles de jurisprudence islamique.
Image :
carte de la situation géopolitique dans la Corne de l’Afrique par Thomas Vampouille pour Le Figaro International