Le vendredi 29 juin, Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, prétendait pouvoir aider les gouvernements libanais et syrien à assurer le retour d’un grand nombre de réfugiés syriens dans leur pays. Le Liban compte un million de réfugiés syriens, sans compter ceux qui n’en ont pas le statut officiel. Ce discours a été relayé par de nombreux médias arabes, dont Al-arabiyya, site d’information saoudien. Il s’inscrit sans aucun doute dans une stratégie de la milice chiite pour gagner en légitimité. L’objectif est d’exploiter les craintes des Libanais quant au grand nombre de Syriens présents sur leur territoire.
Pour ces réfugiés, une initiative salutaire ou une perspective de retour forcé ?
Dans son discours, Nasrallah a clairement récusé toute tentative de forcer les réfugiés à rentrer chez eux. Il n’a néanmoins pas caché sa volonté de faire en sorte que le plus grand nombre d’enfants possible puisse aller à l’école, en Syrie donc, dès la rentrée de septembre. Gardons à l’esprit que, depuis début 2018 notamment, de nombreuses ONG ont souligné les risques de retours forcés pour ces populations. En effet, en février des organisations parmi lesquelles le Conseil Norvégien pour les Réfugiés (CNR) ou CARE International ont réalisé le rapport « Terrain dangereux ». Celui-ci soulignait déjà que les pays de la région allaient tenter d’utiliser l’apparente pacification de la Syrie pour les reconduire à la frontière. Ceci alors qu’effectivement, d’après les Nations Unies, on a pu dénombrer au moins 3 664 expulsions de réfugiés par des municipalités libanaises de 2016 à 2018. En somme, on peut craindre que le Hezbollah prenne part à ce procédé dangereux pour des réfugiés dont certains sont des opposants au régime baasiste. Non seulement la situation en Syrie n’est toujours pas sûre, mais surtout, la milice chiite est l’alliée historique du régime de Bachar Al-Assad. Tout cela dans le but d’obtenir du crédit de la part d’une société libanaise en général hostile à l’accueil des réfugiés syriens.
Une vision globalement négative de la population libanaise à l’égard des réfugiés syriens
Il faut comprendre que dans une société libanaise encore très marquée par la guerre civile qui a fait rage de 1975 à 1990, l’afflux massif de ces populations a ravivé les « fantômes du passé », pour reprendre les termes de Vincent Geisser, chercheur à l’IFPO de Beyrouth. En effet, beaucoup de Libanais font le rapprochement entre ces réfugiés et les fortes arrivées de Palestiniens à la fin des années 1960, auxquels ils attribuent encore en partie le déclenchement des violences. Cette vision est indépendante des clivages confessionnels au Liban. En effet, si la majorité de la population ne voit pas d’un bon œil ces arrivées de réfugiés, la plupart des élites politiques y a reconnu un devoir humanitaire. Même les nationalistes chrétiens des Forces Libanaises l’ont fait. Mais les Syriens, et ce avant même que la guerre civile en Syrie ne commence, ont souvent été victimes de xénophobie au Liban. On peut dater cela à l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri en 2005, que certains Libanais ont attribué à la Syrie. La vision des Syriens au Liban est plus largement alimentée par l’occupation syrienne du pays de 1976 à 2006 qui a laissé une certaine amertume.
En somme, il paraît légitime de craindre des dérives dans la participation du Hezbollah au retour de ces réfugiés parmi lesquels on trouve de nombreux opposants au régime qu’il soutient. Si l’on était sûr que ces retours seraient uniquement volontaires, on pourrait tout à fait s’en réjouir.
Image : Sheikh Hassan Nasrallah, Hezbollah Leader, by Anton Nossik, Flickr BY – SA 2.0.