Liban : les échanges de roquettes avec Israël menacent le vivre-ensemble
Des bombardements israéliens ont touché le Sud-Liban le jour de l’anniversaire et de la commémoration de l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Ces frappes aériennes sont des représailles israéliennes à deux tirs de roquettes lancés depuis le sud du Liban qui n’avaient pas fait de victimes.
Un échange de roquettes d’origine libanaise
Mardi 3 août, deux roquettes en provenance du sud du Liban ont atteint le nord d’Israël. Aucun groupe n’a revendiqué les tirs. Toutefois, Israël a répliqué en bombardant la région de Dimachqiya au Liban du Sud, selon la chaîne Al-Manar, affiliée au Hezbollah. L’armée israélienne n’a pas précisé si elle visait des positions du Hezbollah ou des factions palestiniennes présentes au Liban. Selon le quotidien israélien Haaretz, l’armée israélienne estime que les roquettes auraient été tirées par des groupes palestiniens.
Après les représailles israéliennes, le Hezbollah libanais a revendiqué le vendredi 6 août, les tirs de dizaines de roquettes en direction d’Israël, entraînant de nouvelles représailles. Le commandant de la FINUL (Force Intérimaire des Nations unies au Liban) a appelé les belligérants à « cesser le feu et faire preuve d’une retenue maximale pour éviter une escalade ».
Israël tient le gouvernement libanais pour responsable des évènements qui ont lieu sur son territoire. Pourtant, le Liban n’a plus de gouvernement depuis l’explosion du port de Beyrouth, et l’armée libanaise n’est pas à l’origine des tirs.
Un contexte régional tendu
Israël bombarde régulièrement les positions de différents groupes en Syrie ainsi que dans la bande de Gaza. De tels bombardements n’avaient pas eu lieu au Liban depuis 2014. Les échanges de roquettes de la semaine du 2 août coïncident avec une recrudescence des tensions entre Israël et l’Iran sur la question de la navigation en mer d’Oman, où un pétrolier géré par une société israélienne a subi une attaque meurtrière.
Pour le Royaume-Uni, les États-Unis et Israël, l’Iran serait à l’origine de cette attaque ayant fait deux victimes. Naftali Bennett, le Premier ministre israélien, a affirmé avoir des preuves de l’implication de l’Iran. Il aurait également affirmé savoir comment envoyer un message à l’Iran « à notre manière », rapporte le journal français Le Monde. Il s’agit du « premier recours d’Israël à ses forces aériennes pour cibler des villages libanais depuis 2006 », a déclaré le Président libanais Michel Aoun. Cela « suggère une intention d’intensifier les attaques » contre le Liban, a-t-il estimé.
Israël accuse le Hezbollah chiite et l’Iran d’entraîner le Liban dans une guerre avec l’État hébreu
Israël tient l’État libanais pour responsable des tirs, malgré l’absence d’implication de l’armée libanaise. En conséquence, la poursuite des échanges de tirs risquerait d’entraîner le Liban dans son ensemble dans un conflit avec Israël. Naftali Bennett, Premier ministre israélien, a accusé le Hezbollah et l’Iran de chercher à déclencher un tel conflit. Cela plongerait encore davantage le Liban dans la tourmente, alors que des tensions sociales et intercommunautaires agitent le pays.
Le dimanche 8 août, le patriarche maronite Béchara Raï s’est également prononcé sur le sujet. Il a plaidé en faveur d’une reprise de contrôle du Liban-Sud. Ses positions ont enflammé le débat sur les réseaux sociaux, entre partisans et opposants de la politique du Hezbollah. Son argumentaire reposait sur deux arguments principaux, et s’oppose à ceux du discours du parti chiite sur la résistance. Premièrement, la décision de guerre et de paix ne peut être prise que par l’État central, engagé depuis 1949 par l’armistice avec Israël. Le second argument repose sur des considérations sociales et économiques.
Des échanges de roquettes qui fragilisent encore la situation au Liban
Ces évènements fragilisent la situation du pays qui traverse une crise économique, en aggravant les incertitudes qui pèsent sur le quotidien de la population. Ces échanges de roquettes montrent bien les divergences de programmes politiques entre les différents partis politiques libanais, les factions palestiniennes et les milices armées comme le Hezbollah. Après les différents tirs de roquettes, le leader chrétien Samir Geagea s’est exprimé. Il a appelé le Hezbollah et Israël à ne pas faire peser plus de « tracas » sur le quotidien des Libanais. Selon lui, si l’escalade continuait, ces évènements viendraient « à bout de ce qu’il reste du peuple libanais ». En effet, la moitié de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté. L’escalade des hostilités menace encore davantage la capacité des Libanais à penser l’unité de leur pays.
Le Hezbollah est de ce fait également accusé par certains d’aggraver la crise libanaise. Cette accusation serait justifiée par le fait que le Hezbollah constituerait un « État dans l’État ». Affilié à l’Iran, et grand soutien du régime syrien, il est également soupçonné d’encourager la contrebande vers la Syrie. Cette contrebande empêche une partie de la population d’accéder à des biens de première nécessité. La politique intérieure du Liban reste conditionnée à la situation extérieure, qui contribue au blocage institutionnel du pays.
Dans un tel contexte, des habitants druzes du village voisin de Hasbaya ont interpellé des militants du Hezbollah. De son côté, l’armée libanaise a arrêté les militants responsables des tirs, et a saisi le lance-roquettes utilisé. Ces évènements, très rares au Liban du Sud, témoignent de la gravité des dissensions au pays du Cèdre.
Des tensions qui cristallisent la division de la société libanaise
Ces tensions à la frontière cristallisent les divisions qui règnent actuellement au Liban. Entre les dirigeants, entre les différentes communautés religieuses, mais également au sein de la population. La violence des débats sur les réseaux sociaux en témoigne. Le patriarche maronite a d’un côté subi une campagne de dénigrement par les internautes, tandis que d’autres lui apportaient leur soutien. En l’absence de gouvernement et de projet politique commun, ces tensions illustrent la dégradation de la situation libanaise.
Image : Illustration de tirs militaires israéliens d’artillerie. (Wikimedia Commons/Forces de défense israéliennes)