Dans le centre du Mali, dans le village d’Ogossogou dans le cercle de Bankass (collectivité territoriale dans la région de Mopti), un massacre sans précédent a eu lieu samedi 23 mars. A ce jour, les autorités ont confirmé la mort de plus de 130 peuls, dont des femmes et des enfants. Cette attaque, la plus meurtrière depuis le début du conflit inter-communautaire au centre, a été menée par des présumés chasseurs dozos. L’acte d’une rare atrocité a été unanimement dénoncé par la classe politique malienne et la communauté internationale.
Une attaque commise par des présumés chasseurs dozos
Samedi matin, un groupe présumé de chasseurs dozos a pénétré dans le village peul d’Ogossogou, dans le cercle de Bankass, non loin du Burkina Faso. Selon les rescapés et les autorités, les chasseurs auraient commencé par ouvrir le feu sur l’ensemble des villageois sans faire de distinction aucune. Des femmes et des enfants auraient été torturés avant d’être froidement assassinés. Selon certains témoignages, des jeunes ont même été brûlés vifs. Le village a ensuite été incendié et les réserves saccagées. Les quelques témoignages qui sont parvenus évoquent un événement d’une rare intensité, qui a profondément marqué les habitants des villages voisins. Le dernier bilan fait état de 135 morts et d’une cinquantaine de blessés. Par sa violence, cet événement fait écho au massacre des peuls qui avait eu lieu le 1erjanvier dernier et avait endeuillé le pays. Depuis, d’autres tueries se poursuivent, impliquant des peuls et des chasseurs dozos, reconnaissables à leurs habits traditionnels et leurs fétiches. Cet événement d’une extrême violence survient alors que le gouvernement avait promis des mesures fortes pour faire cesser ces attaques et garantir la sécurité des populations.
Un bilan qui témoigne de l’ampleur du conflit inter-communautaire dans le centre
Le conflit inter-communautaire est toujours vif dans le centre du Mali. Selon l’ONU, il aurait fait plus de 500 victimes en 2018. Cependant le chiffre réel est sans doute bien plus élevé. Ces violences interviennent six jours après l’attaque du camp militaire de Djoura par les radicaux. Cette attaque a causé la mort de 23 membres des forces armées maliennes. En revendiquant l’attaque, les radicaux ont dénoncé les exactions commises sur les populations peuls tout en menaçant leurs auteurs de représailles.
Au centre, les katibas (bataillons), dont la katiba du Macina dirigée par Koufa, sont majoritairement composées de peuls. Cette réalité entretient la confusion parmi les forces armées et les milices d’auto-défense dogon et bambara. Celles-ci attaquent parfois des civils peuls sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Les katibas, qui s’érigent de plus en plus en défenseurs de la cause peule, participent aussi de cette confusion qui est nuisible aux civils. De leurs côtés, les associations peules, dont Tabital Pulaku, accusent l’état malien de laxisme sur les massacres impliquant leur communauté. Selon ces associations, les peuls seraient considérés par les autorités comme des suspects et non comme des citoyens maliens. Tabital Pulaku dénonce ce qu’elle considère comme les effets destructeurs des stéréotypes et du racisme. L’attaque du village d’Ogossogou témoigne désormais de la nouvelle dimension du conflit communautaire au centre du pays.
Réaction de la communauté internationale
Le massacre a fait l’objet d’une condamnation générale, tant de la part de la classe politique malienne que de la communauté internationale. La tuerie a eu lieu pendant la visite d’Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU. Venu à Bamako pour examiner les avancées de l’accord d’Alger et le bon déroulement du processus de DDR (Désarmement, démobilisation et réintégration), Antonio Guterres a constaté des avancées importantes. Le Secrétaire général a encouragé le gouvernement malien à poursuivre ses efforts. Le massacre d’Ogossogu rappelle cependant à tous que la sécurité est loin d’être assurée sur l’ensemble du territoire.
Dans un communiqué, Antonio Guterres a dénoncé un « acte odieux » avant d’appeler les autorités maliennes à enquêter et à condamner les auteurs. Peu après, la MINUSMA a fourni un appui aérien afin de prévenir un nouveau débordement dans le cercle de Bankass. Suite à cet événement tragique, il semble plus que nécessaire de briser la dynamique négative entre les différentes communautés et de tout faire pour essayer de recréer un cercle vertueux.
Des actions qui entachent le processus de paix
Les tueries communautaires compromettent, de plus en plus, le retour de la paix au Mali. L’accord d’Alger traite des problématiques propres au nord. L’intensification des conflits communautaires au centre implique dorénavant de repenser la questions de la sécurité et le processus de paix. Malgré de nombreuses rencontres entre les leaders communautaires au centre depuis 2015, les tensions ne semblent pas avoir diminué. Bien au contraire, la répétition des tueries a accru le sentiment d’insécurité, poussant les uns et les autres à s’armer. La confiance s’est alors érodée. Surtout, les djihadistes savent jouer de la peur des communautés et semblent recruter aujourd’hui principalement des peuls. Le sentiment de persécution ainsi que l’inaction des autorités face aux exactions dont ils sont victimes risquent de pousser des jeunes avides de vengeance dans les bras des groupes armés.
Image : Fulani people, by Ferdinand Reus, Wikicommons