Le Premier ministre Malien, Soumeylou Boubeye Maiga, a annoncé le 23 décembre le lancement d’un processus de Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) dans la région central. Toutefois, le contexte sécuritaire et les tensions communautaires restent des obstacles majeurs à sa conduite.
Lancement d’un processus de DDR pour le centre
Alors que les conflits communautaires ont fait plus de 500 victimes dans le centre en 2018, le Premier ministre malien, a annoncé le lancement d’un processus de DDR. Le Premier ministre s’est ainsi rendu dans le centre pour la première fois depuis la mort du prédicateur peul Amadou Koufa, tué fin novembre dans une opération des forces Barkhane. Bamako tenait ce groupe terroriste lié à Al-Qaida pour responsable de la recrudescence des affrontements armés entre Peuls et Dogons au centre du Mali.
Dans la continuité du programme de DDR lancé au Nord en novembre dernier, Bamako souhaite dorénavant accélérer le processus de désarmement des milices d’autodéfenses et des groupes terroristes au centre. C’est sous le signe de l’impartialité que le premier ministre entend mener ce programme et ainsi rassurer les différentes communautés, au premier rang desquelles les Peuls, suspectés par les milices d’autodéfenses dogons d’êtres liés aux terroristes. Le Premier ministre a ainsi tenu à préciser que le « gouvernement ne prendrait pas parti pour telle communauté ou pour telle autre » mais qu’il combattrait « l’insécurité, le trafic et le terrorisme ».
La conduite du programme a été confiée à Zahabi Ould Sisi, président de la commission nationale du DDR. Celui-ci a également rappelé la légitimité de l’action gouvernementale alors que la situation sécuritaire s’est fortement dégradée depuis les dernières semaines. L’objectif principal est d’inscrire le programme de DDR dans la continuité de celui ayant visé les cinq régions du Nord, en novembre dernier, pour aboutir à une désescalade progressive des tensions communautaires au Mali.
Difficulté du contexte et du lancement du programme
Toutefois, la difficulté du contexte laisse présager un début difficile pour le programme de DDR. Les affrontements communautaires au centre ont été particulièrement nombreux et violents en 2018, en témoigne l’attaque meurtrière du village de Koumaga par une milice Dozo cet été. La confiance entre les communautés s’est fortement dégradée alors même que celle-ci est une condition essentielle du bon déroulement du processus de DDR. La population peule se sent stigmatisée par Bamako et accuse le gouvernement de parti pris, d’où les allégations répétées de neutralité de la part du premier ministre. De l’autre côté, d’autres acteurs craignent que le processus de DDR soit trop laxiste, favorisant par conséquent le retour à la vie civile de nombreux djihadistes. L’entente entre les différentes milices, comme Dana Amassagou, groupe d’autodéfense dogon, et l’Alliance pour le Salut du Sahel (ASS), groupe d’auto-défense peul, est également loin d’être acquise.
Fin novembre, la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) et l’AMDH (Association malienne des droits de l’Homme) avaient alerté sur les nombreuses violations des droits de l’Homme dans le centre dues aux représailles incessantes des forces gouvernementales, des djihadistes et des milices d’autodéfense. Le rapport pointait également la passivité de l’État face aux exactions de certaines milices. Les civils ont été les premières victimes de ces affrontements. La tendance depuis les dernières semaines est à l’accroissement des violences et de leur intensité.
Difficile dans ces conditions de lancer un processus de DDR alors même que les populations se sentent plus que jamais en situation d’insécurité. Le gouvernement souhaite cependant avancer dans le dialogue avec l’ensemble des parties aux conflits. Le processus est aujourd’hui dans sa phase 1, celle de l’identification des individus et des milices armées. Le président de la commission nationale de DDR doit rencontrer l’ensemble des représentants des groupes armés dans les prochains jours.
Image : Mali army drills Tombouctou, by Master Sgt. Ken Bergmann. Wikicommons Domaine Public.