Le plan de réponse humanitaire pour l’année 2018, revu par OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires) en juillet, témoigne d’une situation humanitaire plutôt sombre pour les habitants du Centre et du Nord pour la fin de l’année 2018. Entre crises alimentaires et défauts d’accès aux services de base, cette situation risque d’accroître la vulnérabilité des populations et d’alimenter les conflits communautaires.
Une situation humanitaire alarmante au Nord et au centre
« L’intensification de la réponse humanitaire est nécessaire pour atténuer les souffrances de milliers de personnes forcées au déplacement et de millions de maliens touchés par l’insécurité alimentaire et la malnutrition » a déclaré la coordinatrice adjointe des secours d’urgence de l’ONU, Madame Ursula Mueller, lors de sa dernière mission au Mali. La situation humanitaire est en effet aujourd’hui plus que préoccupante. L’insécurité qui touche désormais le Nord et la région centrale de Motpi a des effets néfastes sur la mobilité des populations, perturbant ainsi leurs moyens de subsistance et leurs accès aux services de base comme l’eau potable, la santé et l’éducation. Selon OCHA, 4,3 millions de personnes se trouvent actuellement en situation d’insécurité alimentaire et 900 000 personnes ont besoin d’une assistance immédiate. Toujours selon OCHA, le Nord et le centre du pays font face à une situation agro-pastorale très préoccupante à cause des perturbations climatiques, socio-économiques mais surtout sécuritaires. Les agricultures et les éleveurs peinent, en effet, à accéder aux zones agricoles cultivées, aux zones de pâturages et d’abreuvement.
La prévalence de la malnutrition aiguë globale (MAG), un indicateur de la santé nutritionnelle des populations, est supérieure à 15 % à Tomboucou, Gao ainsi qu’à Taoudénit, dépassant ainsi le seuil d’urgence alimentaire. Dans d’autres régions du centre, cet indicateur est aussi très élevé. Les problèmes liés à l’eau sont en forte augmentation eux-aussi, on estime à 2,4 millions le nombre de personnes affectées par des problèmes liés à l’eau, l’hygiène et l’assainissement. Pour ne rien arranger, la saison des pluies a apporté son lot d’inondations depuis fin août et de nombreuses zones déjà touchées par le conflit ont été impactées. Le directeur général de la protection civile, le colonel Seydou Doumbia, indique que 183 000 personnes risquent d’être touchées par les inondations. Ce chiffre pourrait être revu à la hausse avec les fortes pluies annoncées.
Insécurité alimentaire et regain des tensions communautaires
Avec une situation humanitaire dégradée, c’est le risque de nouvelles tensions communautaires qui resurgit. L’accès aux ressources se faisant plus rare aussi bien pour les éleveurs que les agriculteurs, les incivilités et les conflits liés aux ressources ont augmenté cet été. Dans son dernier rapport, la MINUSMA observe que la plupart des incidents armés se sont déroulés dans des zones négligées par l’État, où la gestion des ressources naturelles suscite de fortes tensions, encore plus en période d’urgence. La faiblesse de la présence de l’État malien dans les zones du Nord et du centre favorise la circulation des bandes armées et des armes de guerre.
La tendance vers le repli des individus dans leurs communautés, villageoises et/ou ethniques, est un fait aujourd’hui bien observé. C’est ainsi que, depuis 2017, les violences entre communautés Peuls et Dogons s’accentuent. C’est la région de Mopti qui est le théâtre des actes de plus en plus violents. Depuis le début de l’année, 77 % des violences intercommunautaires y ont été enregistrées. Les violences liées au vol de bétails et au pillage des réserves sont les plus répandues. Elles alimentent ensuite des actions de représailles entre communautés. Aujourd’hui, la situation semble d’autant plus précaire que l’insécurité alimentaire est parvenue à un niveau jamais atteint depuis 2012. Dans ces conditions, les conflits pour l’accès aux ressources vont probablement augmenter d’ici à la fin de l’année. C’est du moins ce que craignent les acteurs humanitaires sur le terrain. OCHA, dont les rapports très détaillés guident l’action humanitaire, appelle ainsi à une plus grande mobilisation de l’aide d’urgence pour éviter de nouveaux conflits.
Image : 13-Humanitarian assessment well-received in northern Mali, by EU Civil protection and humanitarian Aid operation. CC BY – SA 2.0.