Le Département d’Etat américain vient de publier, le 19 juillet dernier, son rapport 2016 sur le terrorisme dans le monde. En plus de recenser les mesures légales, sécuritaires et financières adoptées, il traite de la stratégie privilégiée pour combattre l’extrémisme religieux au Maroc, un pays identifié comme un terreau fertile de recrutement de l’Organisation l’Etat Islamique. Selon ce rapport, en 2016, près de 18 cellules, majoritairement indépendantes et affiliées à Daech, ont été démantelées par le Bureau Central d’Investigations Judiciaires (BCIJ). Soulignons la grande discrétion de ces opérations, dans leur majorité.
Un attachement rappelé à l’islam malékite
Cette étude annuelle fait le bilan des stratégies politiques et religieuses pour contrer l’influence de la violence jihadiste dans la société marocaine. Tout d’abord, il semblerait que le gouvernement tienne à renouveler sa pleine adhésion à l’école Malikite-Acharite de l’islam sunnite, courant religieux majoritaire au Maroc, depuis son installation au XIème siècle sous la dynastie des Almoravides. Ce courant se différencie en ce qu’il promeut une application considérée plus souple de la doctrine islamique, par opposition au courant sunnite traditionaliste hanbaliste, socle du wahhabisme tel qu’on le rencontre aujourd’hui en Arabie Saoudite.
Cette affirmation passe notamment par l’institutionnalisation d’une telle allégeance, notamment à travers l’entité centrale que constitue le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques, sous l’autorité du « commandeur des croyants ». La sphère religieuse est ainsi fortement contrôlée par l’administration nationale : pour le meilleur, certes, mais d’aucuns regrettent qu’une telle surveillance, bien que bénéfique dans la prévention des actions terroristes, peut parfois restreindre la liberté religieuse des citoyens marocains.
Un accent mis sur l’éducation
De plus, le département d’Etat américain souligne la priorité donnée aux enjeux de développement humain, et particulièrement à l’éducation islamique. Il est notamment fait référence aux formations dispensées à plus de 50 000 imams marocains, africains et européens chaque année, ainsi qu’à la création, en juillet 2016, du Haut Conseil des Oulémas Africains à Fès, qui réunit des spécialistes de la loi islamique de plus de 30 pays, pour contrer les idéologies extrémistes. Enfin, en ce qui concerne la problématique de la radicalisation pénitentiaire, des efforts sont en cours en ce qui concerne la séparation des extrémistes les plus violents avec le reste des prisonniers, ainsi que leur réinsertion dans la vie civile.
Malgré tout, il semble que le rapport omette quelques points noirs dans le combat contre l’extrémisme religieux au Maroc. Par exemple, même s’il est fait mention des efforts notables de l’Etat pour aider les jeunes marginalisés et enclins à se radicaliser, le territoire marocain demeure aujourd’hui fortement hétérogène, entre régions urbaines et scolarisées, et quartiers dans l’extrême pauvreté et influencés par les idéologies du jihad.
Evidemment, la presse marocaine se réjouit grandement de cet élogieux bilan du département d’Etat américain, qui permet parallèlement au gouvernement de légitimer son action auprès du peuple et de l’opinion publique internationale.
Image : BCIJ stands guard in the headquarters in the city Sale – By Magreb777 – Own Work, CC BY-SA 4.0