Le 8 février dernier, l’Assemblée Mondiale Amazighe, ONG de défense du peuple berbère depuis 1995, a interpellé le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, le nouvellement élu António Guterres, quant au respect des droits des peuples Amazighs (« Berbères » en arabe) sur le territoire marocain. Comme l’explique le site Tamurt, leader de la presse kabyle en ligne et fervent défenseur de l’identité amazighe, cette dernière constitue près de 60 % de la population marocaine. Paradoxalement, les Berbères, ethnie majoritaire, établie en Afrique du Nord depuis la préhistoire, se retrouvent mis en minorité sur le plan culturel et linguistique.
Depuis, le contexte n’a fait que s’envenimer, tandis que les émeutes des populations marocaines dans le Rif se font vives en ce mois de juin, pour des raisons tout autant sociales que politiques. Aux dénonciations des conditions de vie insalubres d’une partie du peuple nord-marocain et du sous-développement socio-économique du Rif, notamment à Al-Hoceïma suite à la mort d’un vendeur de poisson broyé par une benne à ordure en octobre dernier, se sont ajoutées les protestations des activistes politiques, menées par le leader de l’opposition Nasser Zefzafi et son mouvement Hirak Chaabi (« Mouvance Populaire » en arabe).
A ces contestations s’est agrégée la blessure identitaire des Berbères marocains. La mobilisation d’Al-Hoceïma a réveillé les tensions que l’Histoire a entretenu entre la population autochtone amazighe et le pouvoir central, revendiquant l’origine arabe du Maroc, voire niant même l’existence d’une identité berbère. L’auteur reprend ainsi l’historique des discriminations subies par les Amazighs, depuis le règne de Hassan II, alors même que le Maroc réaffirme constitutionnellement son respect des conventions internationales des Droits de l’Homme.
Mais alors que des recommandations de l’ONU avaient déjà été faites par le passé en vue de promulguer une loi organique reconnaissant l’identité amazighe, le gouvernement marocain n’a, non seulement, suivi aucune recommandation, mais poursuivi impunément sa politique publique de discrimination. Ces inégalités visent en particuliers les expropriations de terrains appartenant aux tribus berbères, ce que certains qualifient même de « d’apartheid amazigh ». Ainsi, le projet solennel proposé par l’Assemblée Mondiale Amazighe se veut de garantir l’autodétermination du peuple berbère dans plusieurs pays d’Afrique du Nord (en Algérie, en Libye, sur le territoire malien de l’Azawad, en Tunisie et au Maroc).
Sur le terrain, on observe cependant que le Maroc a fait des progrès considérables ces dernières années concernant l’usage de la langue amazighe au sein des administrations territoriales et nationale. Aux yeux d’un voyageur étranger et curieux, il pourrait sembler que l’identité amazighe est assumée par le gouvernement, du fait de la présence de la langue berbère aux côtés de l’arabe sur la façade de tous les bâtiments administratifs. Et la langue amazighe est enseignée dans le primaire à titre expérimental, depuis quelques années.
Néanmoins, il paraît peu probable que l’Etat marocain admette de sitôt sur son territoire une revendication d’autonomie d’une ethnie berbère, en contradiction avec l’héritage arabo-musulman promu par Mohammed VI et ses prédécesseurs, et leur volonté de maintenir l’unité du royaume. Et ce, d’autant plus si les opposants politiques au pouvoir se réapproprient cette cause, ancienne de plusieurs décennies, dans un climat actuel de tensions économiques et sociales. Rappelons que les revendications nationalistes du Rif furent écrasées dans le passé par les colonisateurs aussi bien que par Hassan II, ce qui entraîna des retards importants dans le développement de cette région, qui doit reprendre, avec le projet Al Hoceïma Manarat Al-Moutawassit (création d’équipements et d’infrastructures touristiques), présenté récemment par le roi.
L’ONU, pour sa part, considère le Maroc comme un « bon élève de la démocratie », une volonté de conciliation avec le pouvoir central qui lui interdit d’agir concrètement en faveur des droits des populations berbères, ou du moins, pour l’instant.
Image : ‘Amazigh Spring’ to arrive in Morocco – By Magharebia – Own Work, CC0 Public Domain