Le 23 juin 2017, le roi Mohammed VI visitait l’université Al-Quaraouiyine, la plus ancienne université islamique au monde, à Fès, capitale spirituelle du Maroc. Le roi a présenté à ses étudiants le programme de rénovation du réseau des antiques medersa fassi. Faisant suite au classement de la vieille médina au patrimoine mondial de l’UNESCO, ce projet avait été initié dès 2013. Au-delà de sa dimension culturelle et touristique, visant à faire rayonner le patrimoine marocain dans le monde, cette réhabilitation joue un rôle politique et religieux crucial.
Face à la résurgence d’un islam radical, notamment encouragé par le recrutement accru de Daech au Maroc, s’est posée la question du rôle que les écoles coraniques ont à jouer, en tant qu’université d’étude de la loi islamique, la charia. En effet, cette notion de charia et son application comportent une zone de négociation et d’interprétation des prescriptions coraniques : même si la charia est présentée comme d’essence divine, elle n’en est pas moins le résultat d’une médiation humaine.
Il fallait alors redonner du lustre et de l’importance aux medersa traditionnelles, porteuses de l’héritage savant des Mérinides et symboles de tolérance. Ainsi, l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique souligne la prise de position des écoles coraniques de Fès en faveur d’un islam « du juste milieu », d’inspiration soufi, tel qu’il est promu par Mohammed VI depuis le début de son règne.
Un choix d’ouverture et d’offensive
Le ministère des Affaires islamiques d’Ahmed Toufiq avait pointé les dérives de plusieurs medersa et les dangers de certains interprétations de la charia. De plus, elles s’éloignaient de l’unique lecture du Coran admise au Maroc, dite « version Warch », qui se distingue notamment de la version Hafs. La principale distinction entre ces versions tient à leur lecture, au découpage des sourates en versets et à la psalmodie : leur importance tient à ce que la lecture du texte peut modifier son sens même. Ces écoles furent donc fermées, puis restructurées et restaurées.
Par ailleurs, c’est également dans ces zones d’interprétation que va se créer un espace du politique, qui manipule les concepts religieux en faveur de ses intérêts, comme l’a démontré la candidature du cheikh salafiste Hammad Kabbadj aux élections législatives à Marrakech, investi par le parti conservateur Justice et Développement (PJD).
L’article de Fahd Iraqi met l’accent sur les décisions du souverain marocain, de sa politique d’ouverture, mais aussi d’offensive contre le salafisme. Il fait même mention de « modèle marocain », caractérisé par la modernité de son islam, et la stabilité du royaume. En l’ouvrant aux élèves de l’université Al-Quaraouiyine, le royaume consacre sa volonté d’unir savoir scientifique et religieux, faisant ainsi écho aux héritages de Ibn Khaldoun et Averroès.
Ces medersa, tout comme l’université Al-Quaraouiyine, ont vocation à servir de modèle d’éducation religieuse islamique, et à attirer des étudiants du monde entier. Le Maroc désire ainsi atteindre une place de leader de l’enseignement islamique, comme l’ont montré ses programme de formation des imams de France. Mohammed VI, en tant que « commandeur des croyants », place donc les medersa de Fès en première ligne de son offensive politique et religieuse contre l’extrémisme, pour faire prévaloir l’ijtihad contre le dévoiement du jihad.
Image : Médressa Bou-Inania – By Olivier & Pascale Noaillon Jaquet – Own Work, CC BY-NC-ND 2.0