Le Mozambique a connu une année difficile, mais également source d’espoir, notamment à l’occasion des accords de paix signés en août et de la visite du Pape François. Le pays se prépare aux élections législatives du 15 octobre, mais le calme n’est que relatif.
Destructions de grande ampleur et catastrophe sanitaire
Le Mozambique, l’un des pays les plus pauvres au monde, souffre de nombreuses carences. Infrastructures routières, accès à l’énergie ou aux soins de santé, culture politique apaisée font défaut. Les cyclones du printemps (1) n’ont rien arrangé : villes rasées, destructions de routes, d’hôpitaux, d’infrastructures énergétiques et de télécommunication…
De nouveaux accords de paix en vue des élections
En août, une initiative source d’espoir pour la population s’est enfin concrétisée : la signature d’accords de paix entre la Frelimo (au pouvoir) et la Renamo (opposition). Le 1er août, à Gorongosa (centre du pays, province de Sofala), un accord de fin de la lutte armée a été signé, suivi d’un accord de paix, le 6 août. La culture du dialogue et du débat politique apaisé n’est pas acquise dans le pays (2).
Le Pape François : travailler pour le bien commun et non pour des intérêts privés
Autre source d’espoir, la visite du Pape François, du 4 au 6 septembre. Il s’agissait de la première visite d’un Pape depuis celle de Jean-Paul II en 1988. Le 5 septembre, le Pape a rencontré les autorités politiques du pays et le corps diplomatique. La paix et le respect de la dignité, a rappelé le Pape, sont la base du développement. Ils sont la clé de la stabilité qui permet de construire des institutions, des hôpitaux et de garantir l’accès à l’éducation.
Le pays ne connaît pas de violences spécifiquement liées à des différends religieux. La seule exception est, depuis 2017, l’incursion d’islamistes armés dans la province du nord de Cabo Delgado. Cependant, beaucoup d’observateurs s’accordent pour dire que l’élément religieux n’est ici qu’un prétexte. La racine du conflit est principalement la non-redistribution des richesses que génèrent les hydrocarbures dans cette région et le manque criant de développement. Le Pape a fait allusion à cette question. Il a notamment rappelé que le Mozambique « est une nation bénie » en matière de richesses naturelles, qui doit préserver ce patrimoine. Il a appelé à protéger la terre et la vie contre « le pillage et la spoliation causés par l’obsession d’accumuler […] de personnes qui […] n’habitent même pas le pays » et qui ne sont pas « motivées par le bien commun de votre peuple ».
Rencontre inter-religieuse : « réconciliation » et « espoir », les maîtres-mots
Environ 56 % des 30 millions de Mozambicains sont chrétiens, 28 % sont catholiques. L’islam (essentiellement sunnite) est la principale minorité religieuse (environ 18 %). Il est surtout présent au nord du pays. Les animistes constitueraient 8 % de la population. L’hindouisme, le bouddhisme et le judaïsme sont également présents (moins de 1 % chacun). Le Pape a rencontré les jeunes de toutes religions lors d’une rencontre inter-religieuse à Maputo.
Au moment de l’entrée du Pape dans le stade, les jeunes scandaient « réconciliation ». Des jeunes du Conseil des religions du Mozambique, qui promeut le dialogue, ont présenté des saynètes. Celles-ci représentaient les préoccupations de la population (Idai, la lutte armée, le dialogue…). François a rappelé la nécessité de « rêver avec les autres, pas contre les autres ». De voir en tout voisin un « frère », quelle que soit sa religion, ses opinions, sous peine d’implosion du pays. Pour lui, tous les citoyens, de toutes convictions, doivent concourir à la paix et au dialogue. Reconnaissant la profondeur des blessures subies par la population éprouvée, il a appelé tous les jeunes à être source d’espoir. Il les a notamment appelés à ne pas se résigner et à refuser la logique de la vengeance.
Le président de la principale instance représentant la communauté musulmane (la CIMO), Abdul Rashid, a salué la visite du Pape. Il s’est dit très satisfait de la dimension inter-religieuse du voyage et de l’appel à la paix, au dialogue et à l’accueil des réfugiés. D’après lui, le Mozambique n’a pas de problème inter-religieux, mais la venue du Pape dans le sillage des accords du mois d’août permettra de consolider la paix dans le pays. Il était important que les catholiques entendent ce message de leur Pape, source d’espoir. La communauté musulmane a bien reçu et porte également ce message. Il rappelle d’ailleurs que les musulmans ont le devoir de respecter les leaders et les croyants de toutes les religions.
Après la visite du Pape, le retour des tensions politiques
La campagne pour les élections législatives du 15 octobre a repris après la visite du Pape. Les tensions sont à nouveau montées, notamment en Zambézie (centre-est). Le 16 septembre, la maison de la mère du candidat de la Renamo pour cette région a été incendiée. Des représentants du parti ont immédiatement accusé la Frelimo d’être à l’origine de cette attaque, qui n’a pas fait de victimes. Le parti au pouvoir dément. Dans la province de Tete (centre-ouest, riche en charbon), où la Renamo semblerait en tête, les trois partis en concurrence crient d’avance victoire. Pour ce qui est de la province de Gaza (sud), les récriminations portent sur la qualité du recensement et donc des inscriptions sur les listes électorales. Au Cabo Delgado (nord-est), les jeunes demandent des emplois.
Quelques uns s’en sont également pris aux ONG et organisations de la société civile qui assurent un suivi du processus électoral. Elles sont accusées d’être financées par des puissances étrangères, donc de servir des intérêts obscurs et non l’intérêt national. Les organisations accusées minimisent pour le moment ce discours, qu’elles estiment être minoritaire.
Historiquement, les élections ont toujours été des périodes de fortes tensions et de violence. Reste à savoir si celles d’octobre, dans la foulée de l’accord de paix et de la visite du Pape, réussiront à éviter ces écueils.
Notes :
(1) Idai, en mars, qui a fait plusieurs milliers de morts et plus de 1,8 million de sinistrés, puis Kenneth dans la province de Cabo Delgago, au nord.
(2) Le Mozambique a connu une guerre civile sanglante, sur fond de guerre froide, de 1977 à 1992 (Accords de Rome). Depuis, les flambées de violence alternent avec des périodes de paix relative. Un accord de fin de la lutte armée avait par exemple été signé en 2014. Pourtant, en 2015, le leader de l’opposition a survécu à deux attentats et son domicile a été encerclé par l’armée. Les acteurs de la lutte sont toujours les deux partis principaux, la Renamo et la Frelimo, issus de la guerre d’indépendance.
Image : Vue aérienne de Maputo (Maputo do predio do CFM), photo de Sara Vannini, CC BY-SA 3.0