Une nouvelle attaque du groupe Al-Chabab a fait 12 morts et 14 blessés dans un village du nord du pays. La stratégie du groupe a changé. Tandis qu’il s’attaquait au départ aux représentants des autorités, dorénavant il s’en prend aux populations. Il aurait tissé des liens avec les Shebab de Somalie.
Une menace récente, partie d’une réalité locale
Le groupe Al-Chabab est apparu à l’automne 2017, dans la province de Cabo Delgado. Cette région, au nord du Mozambique, est la seule région à majorité musulmane du pays. C’est aussi une des régions les plus pauvres. La population sait pourtant que des entreprises étrangères investissent dans les hydrocarbures de la région.
À l’époque, la nature islamiste des attaques posait encore question. L’identité musulmane et radicale des assaillants étaient considérée par certains comme secondaire – la pauvreté étant l’élément principal. Pour d’autres, l’élément religieux devait être pris au sérieux mais sans panique.
Les autorités mozambicaines ont, quant à elles, répondu par la force en envoyant l’armée pour réprimer le mouvement. Dans le même temps, elles ont minimisé les faits et dit avoir la main sur la situation. Néanmoins, les attaques se sont multipliées. Aucune mesure de lutte contre la pauvreté n’a été spécifiquement déployée.
Des membres mieux armés et plus violents
Au départ, aucun lien avec les Shebab de Somalie ou de Tanzanie (pays directement frontalier) n’avait pu être établi. Aujourd’hui, d’après Eric Morier-Genoud (U. de Belfast) il semble plus clair. Les membres seraient au nombre de 500 à 1 000, mais il est en fait très difficile d’évaluer leur nombre. Des membres des milices viendraient de Somalie et de Tanzanie, tout comme certaines armes. Les membres de Al-Chabab sont de plus en plus lourdement armés (AK47 contre machettes, vêtements miliaires).
Les milices ont également changé de stratégie. Au départ, seuls les représentants de l’État étaient visés. Puis, des habitants liés aux autorités, notamment des informateurs. Aujourd’hui le groupe s’en prend aux populations. L’attaque du 20 septembre 2018 a été la plus meurtrière sur la vingtaine menées depuis l’émergence du groupe. Les actions sont de plus en plus violentes.
Liens avec les Shebab de Somalie et de Tanzanie : un problème régional
L’International Crisis Group, qui suit l’activité des Shebab de Somalie, estime que leur stratégie se régionalise depuis 2013 et l’attaque du Westgate (Kenya). Dans un rapport du 21 septembre, l’ICG estime que le groupe somalien chercherait à nouer des contacts avec des islamistes tanzaniens et avec Al-Chabab au Mozambique. Les États d’Afrique de l’Est devraient donc rester sur leurs gardes. Ils devraient s’attaquer à la racine du problème, en réduisant les difficultés auxquelles font face leurs minorités musulmanes : exclusion politique et économique. Pour l’ICG, il faut travailler avec les leaders locaux pour éviter que les jeunes ne s’enrôlent et ne pas céder à la tentation de la répression violente.
Le Mozambique et la Tanzanie ont signé un mémorandum d’accord pour appréhender les miliciens qui franchiraient la frontière, de part et d’autre, pour tenter d’échapper aux raids des forces de sécurité nationales. En octobre 2018, les autorités tanzaniennes ont arrêté 132 personnes suspectées de vouloir établir des bases terroristes au Mozambique. Les autorités mozambicaines ont envoyé des représentants en Tanzanie pour évaluer la situation.
Au Mozambique, les griefs principaux des populations musulmanes du Cabo Delgado sont connus : extrême pauvreté et absence de répartition des richesses générées par l’exploitation des hydrocarbures. À ceux-là risquerait de s’ajouter le fait que, à présent, Al-Chabab s’en prend aux populations, ainsi que la répression militaire de l’État. Al-Chabab est bel et bien né au niveau local, à partir d’une réalité mozambicaine. Cependant, la gestion de la question mérite maintenant d’être posée à l’échelle régionale.
Image : Mocimboa da Praia (Cabo Delgado, Mozambique), auteur : A verdade, CC BY 2.0.