Réunie jusqu’au 13 juin, la conférence des évêques du Mozambique a sévèrement critiqué le gouvernement. En cause, la gestion des dossiers du Cabo Delgado et du Covid-19. D’après elle, la détérioration au Cabo Delgado est le fruit d’années de négligence et d’abandon des populations de la région.
Pour le gouvernement, la source est ailleurs
Pour le gouvernement de Filipe Nyusi (réélu en 2019), les causes de l’insurrection dans la région nord du pays sont externes. Ce serait donc Al Shabab en Somalie, ou bien des imams radicaux de Tanzanie, qui sèmeraient la mort et la destruction depuis 2017.
En un peu plus de deux ans, la détérioration de la situation au Cabo Delgado a fait plus de 200 000 déplacés et 1 000 morts. Les attaques sont d’ailleurs de plus en plus violentes. Elles vont de la destruction de villages à des décapitations, tortures et enlèvements. Les forces de l’ordre sur place n’ont ni les moyens ni l’entrain pour s’opposer aux assaillants.
Pour les évêques, les choix nationaux sont en cause
Pour la conférence épiscopale, en revanche, la source profonde de la « barbarie » en cours est à chercher dans les choix politiques des gouvernements successifs. Rappelant que le Cabo Delgado est à 2 500 km de la capitale, Maputo, ils soulignent l’absence de politique de développement dans la région. La population a tout simplement été trop longtemps oubliée.
De même, les évêques en appellent au gouvernement pour mettre en place une réponse rapide. Qui passe par le développement et par des prestations de services essentiels aux populations, et non par les armes. Les besoins en santé et en éducation sont plus importants que la venue de milices privées. L’armée, nationale ou privée, aggraverait la situation.
De nouvelles attaques en juin
Rien que le 12 juin, trois attaques ont eu lieu. Un homme a été décapité et écartelé. Des jeunes filles ont également été enlevées puis libérées, annonçant de nouvelles attaques à venir et provoquant la fuite des populations. Déjà, en avril et mai, les assaillants avaient fait plus de 50 victimes civiles. Ils avaient également décapité plusieurs hommes ayant refusé de rejoindre leurs rangs.
Face aux attaques répétées, l’État brille par son absence. C’est le message des évêques entre les lignes, qui louent à l’inverse le « grand cœur » et la « solidarité » des populations sur place.
Le Covid-19 n’arrange rien
Les évêques signalent également les effets dévastateurs du Covid-19 et des mesures sanitaires mises en place. Les chiffres officiels au 17 juin faisaient état de 638 cas et 4 morts. Le pays n’en est pas moins à l’arrêt. Cela provoque une détérioration supplémentaire de la situation humanitaire au Cabo Delgado.
La conférence des évêques ne remet pas en cause le confinement. Elle pointe cependant du doigt l’absence de mesures d’aides. Le pays a été fortement ralenti, sans aide économique pour les populations les plus pauvres. La pauvreté, la faim, le chômage et l’instabilité sociale sont en hausse. Les forces de la société civile, notamment les Églises, n’ont pas été consultées ni avant ni depuis l’instauration de l’état d’urgence. En outre, l’information aux populations concernant les règles sanitaires est lacunaire, de sorte qu’elles sont peu ou mal appliquées.
Le journal mozambicain O Pais rapporte quant à lui la difficulté à respecter les règles sanitaires dans les camps de déplacés du Cado Delgado. Devant le nombre de déplacés, les zones d’accueil ne peuvent pas faire face. Les populations sont donc entassées et exposées au virus. Elles ont le choix entre dormir au chaud (car c’est actuellement l’hiver), mais entassées dans des tentes ou pièces peu ventilées, ou dormir dehors au froid. Le gouvernement s’est engagé à envoyer davantage de tentes.
Image : Cathédrale de Maputo (CC-BY-2.0), auteur : F. Mira