En Norvège, la campagne « Le silence prend des vies » [Taushet tar liv] est organisée cette année en partenariat avec le Parlement Sami. On trouve deux entités derrière cette campagne annuelle. La première est l’Agence gouvernementale de médiation pour l’Egalité des Sexes et l’Anti-Discrimination. La seconde est le Secrétariat du Centre de Crise. Cette campagne cherche à attirer l’attention sur la violence commise par les proches, ainsi que conjugale, dans le pays.
Les Sami, une population à part
Le Parlement Sami est une institution d’autonomie culturelle, créé en 1989, pour la population indigène Sami en Norvège. La Suède et la Finlande ont rapidement suivi l’exemple norvégien en mettant chacun en place un Parlement Sami. Si près de 17 000 Sami ont voté en 2017 lors des élections pour le Parlement Sami, le Bureau Norvégien de Statistiques estime la population Sami à 55 544 pour la même année.
A travers ce partenariat, cette campagne contre la violence permet de mettre en avant un sujet difficile. En effet, le sujet est taboo : la société Sami préfère le silence et tend à gérer ses problèmes dans l’isolement. En outre, la relation tendue avec la société norvégienne et l’Etat explique le manque de confiance envers le gouvernement. Ce manque de confiance se traduit par un fort scepticisme envers les capacités du gouvernement d’aider les Sami. Ces raisons expliquent les statistiques de violence dans la population Sami de Norvège : 49 % des femmes Sami et 40 % des hommes Sami ont subi de la violence physique, morale ou sexuelle dans leur vie, bien au-dessus de la statistique nationale (27 % pour les femmes en Norvège d’après UN Women).
Un taboo qui prend doucement fin
La présidente du Parlement Sami, Aili Keskitalo a marqué un changement de posture. Elle parle plus ouvertement des problèmes de violence au sein de la population Sami, que ce soit auprès du gouvernement norvégien qu’à l’international. Aili Keskitalo a souligné cette violence au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en septembre 2016.
Durant ce Conseil, elle y discute les causes derrière la violence envers les femmes et jeunes filles Sami. Si ce phénomène n’est pas nouveau, elle explique que celui-ci a été caché du grand public. Le manque historique de statistiques sur les questions liées à la population Sami ont empêché une action précoce. La présidente du parlement admet également que ce problème ne peut être résolu dans la tradition Sami d’isolation. D’après elle, le déséquilibre entre les sexes, celui entre pouvoir et manque de pouvoir au sein des populations indigènes, et celui entre populations indigènes et communautés majoritaires expliquent la violence. De plus, elle y met en cause les conséquences des politiques d’assimilation. Ces conséquences sont notamment la perte des langues Sami, de la culture, des ressources et des territoires. Ces pertes ont placé une forte pression sur les mécanismes de résolution de conflit des Sami et ont rendu les femmes et enfants indigènes plus vulnérables.
La jeune population Sami est également vecteur de changement. En effet, celle-ci est plus à l’aise avec son identité que les anciennes générations. Les jeunes Sami montrent une plus grande volonté à discuter des problèmes sociétaux. En 2017, les « dossiers Tysfjord » ont surpris la police par l’ampleur du phénomène. En effet, plus de 70 victimes de violence ont été enregistrées sur 40 ans dans la commune de Tysfjord (environ 2 000 habitants). A la suite du scandale, la présidence Sami avait ainsi rédigé une lettre ouverte au gouvernement norvégien.
Que fait l’Etat norvégien ?
L’Institution Nationale des Droits de l’Homme a publié un rapport thématique en 2018 sur la violence dans la société Sami. Ce rapport met en avant les importants défis de respect des droits de l’Homme liés à cette violence. L’ONU a également demandé à plusieurs reprises à la Norvège de préparer un plan compréhensif pour réduire cette violence.
La réduction de la violence chez les populations Sami représente un défi considérable, marqué par l’absence d’action gouvernementale en coopération avec le peuple Sami. Le Centre Sami de Crise et d’Inceste, basé à Karasjok où le Parlement Sami se situe, est le seul centre en Norvège où la langue Sami et les compétences culturelles sont centrales. Ce centre est le seul apte à fournir une aide appropriée à la population Sami. Cependant, il est menacé de fermeture en raison de la mauvaise économie locale. La médiatrice pour l’Egalité des Sexes et l’Anti-Discrimination (Hanne Bjurstrøm), la directrice du Secrétariat du Centre de Crise (Tove Smaadahl) et la présidente du Parlement Sami (Aili Keskitalo) militent pour empêcher cette fermeture et pour accroître les efforts envers les communautés Sami. Ce discours est d’autant plus important dans le contexte #MeToo, qui a fortement pris dans les pays nordiques.
Image : Åpningen av det andre Sametinget, by Sámediggi Sametinget, Flickr, CC BY 2.0.