Le Portugal continue d’être un pays accueillant pour les réfugiés. Le pays présente un bilan globalement positif. En 2018, le Portugal a accueilli de nouveaux réfugiés et demandeurs d’asile. Les arrivants proviennent par exemple de Syrie, d’Égypte, mais aussi du Congo, du Vénézuela ou du Pakistan. Dans l’ensemble, l’intégration des nouveaux arrivants est positive. Cependant, le Portugal peine encore à traiter plus rapidement les dossiers des demandeurs d’asile. Il reste également un problème de coordination entre les différents acteurs sur le terrain et dans les institutions, comme le démontrent certains échecs médiatisés.
Des chiffres en hausse globale, de nouveaux profils d’arrivants
En 2018, le Portugal s’est à nouveau engagé à accueillir des réfugiés et demandeurs d’asile. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) confirme que le pays s’est engagé à accueillir 1 010 réfugiés d’ici octobre 2019, venus de Turquie et d’Égypte. Le pays perçoit une aide de 6 000 euros par réfugié accueilli. En outre, après la fin du programme européen de relocalisation (mars 2018), le Portugal a signé un accord bilatéral avec la Grèce et un second (en septembre 2018) avec l’Allemagne. Les accords visent à accueillir des demandeurs actuellement présents dans ces pays. Le Portugal s’est également engagé à accueillir 1 000 personnes supplémentaires dans le cadre du nouveau programme volontaire de réinstallation. L’Union européenne et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) collaborent avec les pays concernés. Au total, en 2018, les chiffres de l’accueil étaient les suivants :
- 1270 demandeurs d’asile « spontanés » (demandes déposées sur le territoire par des nationaux d’Angola, du Congo, d’Érythrée, du Pakistan ou du Vénézuela) ;
- 178 personnes réfugiées (au statut déjà établi), dont :
- 64 via le programme de « réinstallation » des Nations unies (venus d’Égypte et issus principalement du Soudan du Sud et de Syrie),
- 28 via le programme de « relocalisation » de l’UE (les dernières, après l’arrêt du mécanisme, venues de centres en Italie),
- 86 secourues en Méditerranée sur les navires Lifeline, Aquarius et Sea Watch.
Le pic d’arrivées de réfugiés a été atteint en 2017, avec 922 personnes accueillies. En 2018, c’est le nombre de demandes sur le territoire qui a explosé. Depuis 2019, après l’accord avec la Grèce, le Portugal s’est engagé à accueillir 100 réfugiés supplémentaires. De plus, entre janvier et mars, 20 personnes secourues en Méditerranée et 63 réfugiés venus de camps en Egypte ont été accueillis.
Cherche organisations pour la prise en charge des réfugiés
Pour accueillir les 64 premiers réfugiés et les 946 promis restants, la société civile se mobilise. Par exemple, la Plateforme d’Aide aux réfugiés (PAR). Il s’agit d’un ensemble d’associations et de groupes de la société civile qui ont pris en main l’accueil sur le terrain dès 2016. Récemment, la plateforme promouvait le bon accueil des demandeurs d’asile vénézuéliens. La dernière campagne, lancée en avril 2019, a pour mot d’ordre (et mot-dièse) #fazemosPARte (#nousenfaisonsPARtie). Reconnaissant le bon fonctionnement général d’une bonne partie du système d’accueil, la PAR demande à ce que le système soit renforcé, notamment pour mieux accueillir les familles et les enfants. Le nouveau coordinateur (du Service jésuite pour les réfugiés) explique le principe de la campagne. Il s’agit de mobiliser des personnalités en leur demandant d’aborder publiquement la question des réfugiés. L’objectif est que davantage d’organisations rejoignent la plateforme pour devenir des « institutions d’accueil » (nom qui leur est donné une fois intégrées dans la plateforme). Les institutions d’accueil sont responsables de la prise en charge concrète des réfugiés. Elles se chargent des questions de logement, vêtements, accès aux soins et à l’éducation, cours de langue, formation et accès à l’emploi. Sur les 1 010 réfugiés devant être accueillis d’ici fin 2019, 340 seront pris en charge par la plateforme.
Capacités d’accueil : des progrès concrets, mais encore des dysfonctionnements
Des centres d’accueil toujours plus chargés
Le site InfoMigrants, auquel coopèrent France Médias Monde, Deutsche Welle (Allemagne) et l’ANSA (Italie), avec le soutien financier de l’Union européenne, présente le centre de Bobadela. Ce centre d’accueil des réfugiés (CAR) est situé près de Lisbonne. C’est la seule structure pour l’accueil, l’orientation et l’hébergement des demandeurs d’asile « spontanés ». C’est-à-dire pour ceux et celles qui déposent leur demande à l’arrivée sur le territoire, en général à l’aéroport. Construit en 2006, le CAR était conçu pour accueillir 100 personnes. La même année, 72 personnes étaient passées par cette structure. En 2008, ce chiffre était de 160. En 2017, le Service des frontières portugais (SEF) recensait 1 010 demandes d’asiles spontanées. Puis 1 270 (+20 %) en 2018. Beaucoup de demandeurs sont donc logés dans des hôtels, des maisons d’hôtes ou des centres de colonies de vacances. En 2012, un second centre réservé aux mineurs non accompagnés a été ouvert, le CACR (centre d’accueil pour enfants réfugiés). Enfin, en décembre 2018, le CAR II a ouvert ses portes pour traiter l’accueil et les procédures d’intégration des personnes ayant le statut de réfugié. Ces dernières arrivent via un programme de « relocalisation » ou « réinstallation ». Tous ces centres sont gérés par une ONG partenaire du HCR, le Conseil portugais pour les réfugiés (CPR).
L’accès à l’information : plusieurs langues disponibles
Les sites institutionnels sont présentés la plupart du temps en portugais, en anglais et en arabe, parfois en français. Au CAR, les informations sont fournies en portugais, en français et en anglais lors d’ateliers et de séminaires. L’accès à un interprète est inscrit dans la loi.
Quelques échecs qui font grand bruit
Le bilan plutôt positif de l’accueil n’empêche pas l’existence d’échecs. En novembre 2018, trois familles syriennes ont reçu la visite de la gendarmerie, qui a coupé l’eau et l’électricité à la suite d’une décision judiciaire. Les familles, arrivées un an et demi plus tôt, ne payaient pas le loyer depuis trop longtemps. Ce cas a fait grand bruit et a illustré les limites du système d’accueil. Surchargé, encore parfois mal coordonné, le système peine à suivre la cadence. Il ne peut prendre en charge plus de 18 mois les personnes qui n’ont pas réussi à s’insérer.
Dans le cas de ces familles, les aides sociales perçues étaient de 500 euros par mois (le salaire minimum était de 580 euros/mois, passé à 600 en janvier 2019). Le loyer demandé était de 340 euros. Dans le secteur immobilier traditionnel, aucun loyer à moins de 500 euros ne permettait de loger décemment des familles avec enfants. Cependant, l’organisation chargée d’accueillir et d’intégrer ces familles a fait part de ses difficultés. En particulier, de nombreuses résistances de la part des réfugiés concernés (refus de changer de logement pour un autre moins onéreux, opposition à des propositions d’insertion professionnelle).
Des difficultés de coordination
La présidente du CPR, Teresa Tito Morais, a commenté le cas des familles. D’après elle, cela renforçait l’urgence de réformer et d’améliorer le système d’accueil. Les difficultés qu’elle dénonçait alors étaient :
- l’absence d’harmonisation des procédures : pour l’apprentissage de la langue, certaines structures exigent un minimum d’inscrits, d’autres non ; dans le premier cas, certains arrivants n’ont donc pas accès aux cours dès le début ;
- la lenteur des procédures d’obtention ou de renouvellement des permis de séjour temporaires (compétence du Service des frontières portugais – SEF) ;
- l’impossibilité pour certains arrivants de signer des contrats de travail (alors même qu’ils ont trouvé un emploi), en l’absence des documents du SEF ;
- les difficultés d’accès aux soins de santé mentale (ce qui pose problème pour les adultes et enfants ayant vécu des conflits ou des persécutions) ;
- l’absence de réunions de coordination entre les ministères compétents, le SEF, la sécurité sociale et les organisations de terrain ;
- la quasi-impossibilité de signaler par avance les personnes vulnérables ou ayant le plus de difficulté, par manque de coordination entre les acteurs compétents.
D’après Teresa Tito Morais, il devrait être possible de prolonger les aides financières et d’aider davantage les familles à trouver un logement.
Malgré les flottements, une intégration souvent réussie
Un bilan globalement positif du ministère
En novembre 2018, le journal en ligne Observador rapportait le bilan globalement positif du système d’accueil portugais, dressé par les ministères compétents. Au total, 1 552 réfugiés sont arrivés entre 2015 et 2018 via le programme de « relocalisation » de l’UE, et ont été répartis dans 99 communes. Parmi eux, à la date du bilan :
- 42 % n’avaient plus besoin d’aucune aide et étaient autonomes,
- 48 % des personnes en âge de travailler étaient inscrites à l’université, en formation ou travaillaient,
- 96 % avaient eu accès à des cours de portugais.
L’accès au logement, aux soins, au conseil juridique, à la formation et à des interprètes sont inscrits dans la loi.
L’emploi : offres plus variées, postes mieux qualifiés
Lors de son lancement, en mai 2018, la plateforme ministérielle RefuJobs proposait essentiellement des emplois ou des formations dans les secteurs des services ou de l’agriculture. Aujourd’hui, on y trouve des propositions plus variées et des emplois qualifiés. Dernièrement : agents d’accueil, employés de magasins, cuisiniers,électriciens, charpentiers, responsables clientèle arabophones, analystes commerciaux, analystes des réseaux sociaux. Ces postes sont accessibles avec ou sans formation préalable (études ou autres). Ils sont souvent ouverts aux débutants.
Le cas des étudiants arrivés pour finir leurs études : de bonnes nouvelles
À l’initiative de l’ancien Président de la République portugaise, Jorge Sampaio, une Plateforme internationale d’aide aux étudiants syriens a été mise en place en 2013. Le pays accueille d’ailleurs la grande majorité des étudiants ayant bénéficié de ce programme depuis 2014. Fin mai 2019, des artistes portugais ont organisé une vente aux enchères de 40 oeuvres, pour financer la Plateforme.
En janvier 2019, un étudiant accueilli à l’université de Coïmbra a obtenu son doctorat en ingénierie informatique et électronique. Trois autres étudiants, accueillis dans la même université, ont achevé leur master. Tous trois sont à présent en doctorat (dont un en archéologie et un en architecture). Fin janvier 2019, un autre étudiant accueilli à l’université du Minho (Nord du Portugal) a également obtenu son doctorat. Cette fois, c’était en économie. Les quotidiens nationaux ont relayé la nouvelle. Quant au Parlement, il a rendu hommage aux deux diplômés. Ils sont en effet les premiers à obtenir ce grade parmi les étudiants accueillis.
À peine un mois plus tard, le Premier ministre Antonio Costa a envisagé d’élargir ce programme d’aide aux étudiants d’autres pays que la Syrie. Il a notamment cité l’Irak, le Yémen et la Libye.
Une volonté d’accueil louable, mais ne pas oublier les réalités du pays
Le Portugal accueille volontiers les réfugiés. La question fait consensus dans le pays, au sein des institutions et de la population. De nombreuses organisations s’y attellent. La question religieuse n’en est pas une. Les vertus des Portugais en la matière sont reconnues par plusieurs organisations et observateurs internationaux. Les demandeurs d’asile ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, comme le démontre la hausse vertigineuse du nombre de demandes déposées sur le territoire. Pour autant, le pays doit faire face à des défis d’organisation, qui devront être résolus s’il ne veut pas se débattre avec les conséquences d’une intégration ratée. Le défi est de taille, étant donné les dimensions du pays, son organisation du territoire, sa démographie. Des structures d’accueil existent, d’autres restent à inventer dans un pays jusqu’à présent habitué à l’émigration. En outre, si le chômage est actuellement au plus bas depuis une décennie (6,3 %), la précarité et les emplois à temps partiel sont très présents. Dans le même temps, les prix de l’immobilier flambent, notamment dans les villes. Il faudra réussir à tenir ensemble la volonté d’accueil inconditionnel et la réalité socio-économique du pays.
Image : Réfugiés syriens en Grèce, Jim Jack, Licence Pixabay