Devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève, Marie-Thérèse Keita Bocoum a rappelé les attentes des Centrafricains quant à leur avenir. Depuis les accords de paix de Khartoum, le 06 février 2019, la situation semble s’être plutôt apaisée sur le territoire. Bien que des tensions demeurent, comme dans le quartier commerçant de Bangui les 10 et 11 juillet dernier, les prémisses de la reconstruction semblent s’installer.
L’économie et la jeunesse, clés pour la reconstruction ?
Si la situation sécuritaire est souvent pointée du doigt pour expliquer le difficile relèvement en République centrafricaine, les programmes de développement accentuent leurs ambitions sur l’économie et l’emploi, notamment chez les jeunes. La jeunesse est, en effet, au cœur des préoccupations pour la reconstruction. Si les jeunes ne trouvent pas d’emploi, ils risquent d’être d’autant plus attirés par les groupes armés promettant protection et revenus. Il s’agit donc de leur proposer des alternatives et de les revaloriser.
Cet appel de la société civile a été fortement relayé par le Conseil national de la jeunesse qui avait lancé des opérations de dépôt des diplômes devant la Primature au mois de mars et avril. Ils contestaient les nominations des membres de groupes armés au gouvernement. Ils estimaient alors que les jeunes travaillent pour obtenir un diplôme mais n’en ont pas l’usage car leurs compétences ne peuvent être exploitées dans l’économie du pays. L’Agence française de développement et le Fonds Békou (Fonds européen pour la République centrafricaine) ont récemment lancés des appels à projets centrés justement sur une réponse à la fois économique et tournée vers la jeunesse. C’est ce à quoi fait appel l’experte indépendante quand elle parle de nécessaire « programme de renforcement des capacités et [de] développement d’activités génératrices de revenus pour les jeunes [afin d’]atténuer les tensions au sein des communautés ».
Un retour progressif de l’Etat dans les zones précédemment occupées
Les forces armées centrafricaines, entraînées par les Russes, les Européens et les Français, se déploient lentement sur l’ensemble du territoire. C’est le cas à Kaga-Bandoro, le 18 mai dernier. Les forces armées nationales n’étaient pas revenues dans la ville depuis près de cinq ans. Ce retour a donné espoir à la population qui vit sous le contrôle de plusieurs milices alors que la ville est le point stratégique de la transhumance.
Une paix qui reste fragile
Si les accords de paix semblent rassurer, les crises locales ne sont pas pour autant terminées. En effet, des régions isolées, telles que le Nord-est, voient les affrontements se poursuivre. Cela même entre groupes armés signataires de l’accord de paix (FRPC et MLCJ le 14 juillet à Am Dafok). Il en est de même pour le Nord-ouest avec les tueries de Koundjili et Djoumjoum en Ouham-Pendé au mois de mai par le groupe armé 3R. L’espoir réside dans le programme DDR (« Désarmement, démobilisation et réinsertion ») pour que les groupes cessent d’engager les hostilités. Toutefois, les frontières poreuses avec le Soudan ou le Tchad, ainsi que la peur de devoir se défendre à l’avenir, ralentissent la transition. La petite criminalité ainsi que les nombreux points de contrôle (et de racket) sur les routes n’œuvrent pas à un apaisement général.
L’inquiétude est également confirmée suite à l’agression envers des journalistes et membres de l’opposition à la mi-juin. L’Office centrafricain de répression du banditisme (OCRB) a procédé à une violente interpellation de deux journalistes de l’AFP couvrant une manifestation organisée par un mouvement d’opposition. Alors que les élections présidentielles et législatives de 2021 se préparent au sein de la majorité comme de l’opposition, il est à craindre d’autres débordements.
Les actions portées à la justice ainsi que le développement de la Commission Vérité Justice Réparation Réconciliation devraient permettre d’instaurer le respect de la loi. Ces améliorations se font attendre alors même qu’elles étaient au cœur de l’accord de Khartoum. La crise semble donc s’être atténuée et l’espoir est permis mais la reconstruction est lente et fragile.
Image : Parcelles semencières de haricot à Yaloké en Centrafrique, by Selengoumadavid. Wikicommons CC BY – SA 4.0.