L’Eglise centrafricaine est à nouveau endeuillée par la mort d’un prêtre, l’abbé Firmin Gbagoua, dans la ville de Bambari, au centre du pays. Cet assassinat intervient alors que le pays connaît des troubles majeurs qui compromettent la sécurité. Si les victimes sont nombreuses, la volonté, par les rebelles armés, de transformer ce conflit en crise interreligieuse, rend l’action des acteurs religieux particulièrement périlleuse.
Dans la nécessité de lutter contre une vision uniquement centrée sur un conflit religieux, ce qui n’a de résultat que l’exacerbation des haines, des organisations internationales et nationales tentent d’apaiser.
Les violences envers les acteurs religieux, plus actuelles que jamais
Si le meurtre de l’abbé Firmin Gbagoua de Bambari a été source d’une grande émotion, il s’inscrit dans un schéma plus important de violences ciblées envers les acteurs religieux en République centrafricaine depuis le coup d’Etat de 2012.
Pour rappel, en 2012, les rebelles de la Séléka, qui se revendiquent musulmans, ont pris le pouvoir par la force. Ce coup d’Etat a engendré la création de multiples milices d’auto-défense, les anti-balakas, qui se revendiquent à l’inverse chrétiens et animistes. La lecture qui en a été faite est celle d’un conflit entre chrétiens et musulmans, lecture entièrement contestée dans le pays.
Les milices, à qui profitent les crises puisqu’elles engendrent un enrichissement personnel et un accroissement de leur pouvoir local, ciblent les acteurs religieux. Il y a quelques semaines, la capitale s’est embrasée lors d’une attaque contre une église, touchant les fidèles rassemblés pour la messe et qui a eu comme conséquence 16 morts et 99 blessés. L’esprit de vengeance ayant été attisé, les violences qui ont suivi ont mené à la destruction d’une mosquée, de structures de santé et au meurtre de deux hommes, tués parce qu’ils « semblaient musulmans ».
Les appels au calme et à la cohésion sociale qui peinent à atteindre la population
Les appels au calme, la sensibilisation au dialogue, les groupes de paix et de parole sont autant d’actions qui sont mises en place dans le pays pour tenter de contenir les violences. Les acteurs religieux sont d’ailleurs parmi les premiers à s’élever contre les discours de haine. L’exemple qui illustre le mieux ce propos est celui de la Plateforme des Confessions Religieuses de Centrafrique (PCRC) qui œuvre « pour la Paix et la Cohésion Sociale par une approche interreligieuse ». Elle est composée par le cardinal Dieudonné Nzapalainga, le pasteur Nicolas Guerekoyame, président de l’Alliance des évangéliques en Centrafrique et l’imam Oumar KobineLayama. Ces trois figures traversent le pays pour diffuser des messages de paix et de cohésion.
Le gouvernement également essaie de calmer les tensions en réaffirmant qu’«il s’agit ici d’une énième tentative de provocation de ceux qui ont pensé que le moment était venu de provoquer, de créer le trouble afin que l’on parle encore de conflit confessionnel dans notre pays » par la voix du porte-parole, Ange Maxime Kazagui. L’Etat centrafricain fait face à de nombreuses difficultés pour maintenir la paix et la sécurité dans le pays. Il est parfois accusé de ne prendre le parti que des chrétiens et de ne pas suffisamment réagir lorsque les victimes sont musulmanes.En réaction, le gouvernement et la MINUSCA (Mission de maintien de la paix de l’ONU) ont adopté un Plan national de prévention de l’incitation à la haine et à la violence qui s’avère primordial au regard des messages d’appel à la violence à l’encontre des communautés musulmanes qui se sont répandus suite à l’assassinat de l’abbé Firmin Gbagoua.
Les organisations internationales en soutien au pays
La crise centrafricaine touche au-delà même du pays. Étant donné ses répercussions sur les pays limitrophes (Sud Soudan, Tchad, Cameroun, Congo et RDC) avec notamment des milliers de réfugiés, les pays du G5 Sahel et plus généralement de l’Union Africaine se mobilisent pour intervenir dans la médiation entre les groupes armés et le gouvernement. Ils rappellent également que les discours de haine doivent cesser.« La manipulation de la religion pour servir les intérêts de groupes criminels est inacceptable. Nous invitons tous les Centrafricains à faire preuve de modération et résilience et à résister aux manipulations qui veulent faire retomber le pays dans le piège de la violence et de la vengeance – ce que les criminels qui ont perpétré cet acte espèrent provoquer. Cela doit cesser », a notamment déclaré le G5.
L’Observatoire Pharos a également souhaité s’associer au mouvement de soutien pour les acteurs religieux qui continuent leurs activités de réconciliation dans le pays. Ce communiqué, proposé par le Secours Catholique France, illustre l’inquiétude internationale causée par les dissensions dans le pays.
Image : Responsables religieux centrafricains : Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, Nicolas Guérékoyame Gbangou, pasteur protestant président de l’alliance évangélique centrafricaine, et Omar Kobine Layama, imam et président de la communauté islamique centrafricaine. Public domain, Wikimedia Commons.